Chaque année, les chefs en visite dans la métropole pour le festival Montréal en lumière apportent dans leurs bagages des idées qui restent. Des saveurs inédites, des combinaisons inusitées, de nouvelles couleurs dans l'assiette. En recoupant les plats, on discerne aussi souvent quelques tendances du moment. Voici ce que j'ai trouvé, cette année, sur les tables dressées par des chefs venus du Portugal, pays à l'honneur en 2010.

1- La citrouille, nouveau genre

Parmi les aliments fétiches des Portugais et dont on ne sait pas, ici, à quel point ils sont importants pour les gastronomes et autres gourmands de la péninsule ibérique, il y a évidemment la coriandre, toujours partout, les feuilles vertes de ce qu'on appelle ici rapinis, et il y a la citrouille. Au Portugal, je l'ai surtout mangée sucrée, en confiture, servie avec du fromage. Ici, je l'ai retrouvée brillamment cuisinée par Luis Americo, au Newtown, servie sous forme de gâteau au coeur fondant sur une mousse de fromage frais avec miel et amande. Wow! Elle était aussi en purée, en version salée, dans le plat de canard de Vitor Sobral, au restaurant de l'Institut de tourisme et d'hôtellerie du Québec, combinée à des olives et des tomates séchées. Re-wow! Albano Lourenço, chez Europea, l'a aussi servie en compote sucrée, dans un plat tenant à la fois du fromage et du dessert. Une découverte.

 

2- Les paysages dans l'assiette

Lorsque la cuisine moléculaire arrive à table, cela donne toutes sortes de concepts, comme celui de créer un paysage avec les ingrédients dans l'assiette. C'est ce qu'a fait Luis Americo chez Newtown, avec un dessert au chocolat recréant une image du terroir du Douro, composé notamment de miettes de biscuits au chocolat (pour les cailloux) et de truffes au cognac (avec une allure de rochers). José Avillez, chez Laurie Raphaël, a créé quant à lui un «mirage du désert», avec poudre d'or et d'argent pour effet de sable, sur une crème de fenouil au cari, le tout autour d'une huître «pétrifiée» dans le chocolat blanc salé. Surprenant.

3- Les glaces s'éclatent

Les crèmes glacées et sorbets innovateurs ne datent pas d'hier. Est-ce une raison pour arrêter d'en inventer? Non. Cette année, Albano Lourenço, chez Europea, nous a comblés avec une étonnamment délicieuse glace au Stilton (à essayer, avec du porto!), tandis que Luis Americo, chez Newtown, ponctuait son assiette-paysage d'un sorbet à la carotte et à la vanille. Paulo Pinto, chez Decca77, nous a quant à lui préparé une glace au riz au lait. Et Sergi Arola, chez Toqué!, un sorbet au gingembre.

4- Terre-mer

Rien de nouveau là-dedans, direz-vous. Peut-être, sauf que les Portugais sont les maîtres de la combinaison poisson, fruits de mer et viande. Le porc à la façon de l'Alentejo, par exemple, un classique parmi les classiques portugais, combine porc braisé et palourdes. C'est ce que Fausto Airoldi a servi pour le repas du président d'honneur. Et comme plat principal, qu'a fait, au Laurie Raphaël, José Avillez, le jeune premier qui ne fait pas du tout dans la tradition? Une longe de cerf au homard, comme si la combinaison océan-prairies vertes s'était imposée, plus forte que lui. Même chose pour Albano Lourenço, chez Europea, qui a accompagné son bar de croquants de jambon cru. Tout comme Paulo Pinto, chez Decca77, qui a préparé son bar poêlé avec une salade de pommes de terre... aux lardons.

5- Poissons et fruits de mer hors normes

Au Portugal, on mange beaucoup de produits de la mer. Mais pas toujours tout simplement grillés ou pochés, avec du citron. Le poisson et les fruits de mer se déclinent de mille façons. Chez Paulo Pinto, au Decca77, par exemple, la classique morue salée était servie en version liquide en entrée. Chez Vitor Sobral, la même morue était en mousse, façonnée en quenelle, et déposée dans le fond d'un bol où elle était ensuite noyée de potage à la coriandre. Chez Rui Paulo, cuisant chez Osco, il y avait bien de la brandade, mais de crabe, cette fois. Chez José Avillez, tout était encore plus sens dessus dessous, avec cette huître crue «pétrifiée» au chocolat blanc et des «penne» qui étaient en fait des couteaux de mer taillés en biseau pour ressembler aux célèbres pâtes italiennes. Et avec quoi étaient servis ces «penne»? Du pesto aux algues. Finalement, devinez comment le chef espagnol (mais pilotant un restaurant au Portugal) Sergi Arola prépare ses pétoncles: en saucisse. Oui, comme du boudin blanc. Avez-vous dit pas banal?