Il n'y a pas si longtemps, le golfeur Tiger Woods n'aurait jamais eu à traverser de pénible séance d'excuses et d'aveux publics pour confesser devant le monde entier - à commencer par sa mère - ses multiples infidélités. Le moment de torture d'hier matin aurait été impensable.

Pas plus tard qu'il y a une quarantaine d'années, on aurait très peu entendu parler de ses écarts. Ses multiples aventures seraient sorties au compte-gouttes dans des biographies non autorisées. Il y aurait eu une petite gêne mais aussi le respect dû aux séducteurs pour qui, ciel! faire tomber les femmes est non pas une compulsion mais la conséquence d'un sex-appeal juste trop magnétique.

Il n'y a pas si longtemps, il n'y avait pas d'abus de ce pouvoir sexuel que confèrent argent et célébrité. De Casanova à Kennedy, le trompeur était, d'abord et avant tout, un intarissable tombeur.

En 2010, les choses ont passablement changé.

Hier matin, le champion Tiger Woods avait l'air de tout sauf d'un gagnant. Le langage corporel de l'athlète, que plusieurs commentateurs ont immédiatement qualifié de mauvais jeu d'acteur, était, selon moi, celui d'un gars humilié qui a beaucoup perdu depuis le dérapage incontrôlé et désastreux de sa vie personnelle et professionnelle il y a près de trois mois. Et qui pourrait perdre encore.

Son allure bouffie et ses bafouillages montraient un homme ébranlé.

On était loin de James Bond.

Si la tromperie était chic au temps de Don Draper, Tiger en a retiré les derniers grammes de glamour.

On faisait dans le pathétique.

D'ailleurs, sa femme n'était pas à ses côtés façon Hillary Clinton en 1992, ou comme Silda Spitzer, la femme de l'ancien gouverneur de New York, qui, il y a deux ans, avait stupéfié bien des observateurs en se montrant avec son mari à la conférence de presse où il avouait avoir fait affaire avec une prostituée.

Elin Nordegren, celle dont certains médias disent qu'elle se promène sans son jonc, était visiblement absente. Et on n'a pas entendu l'habituel «on va passer à travers ça ensemble, blablabla...» Le discours d'hier parlait peu d'assurance en l'avenir. Et les aveux étaient particulièrement éloquents, durs. «J'ai été infidèle. J'ai eu des aventures. J'ai triché.» À quand remonte la dernière fois où vous avez entendu de telles affirmations? O.K., la fois de David Letterman, mais c'est ça, les temps changent. Même le roi du sarcasme a accepté d'en parler.

Woods ne jure que par l'intimité qu'il veut préserver, protéger, mais ses aveux d'hier confirment que, en fait, en 40 ans, l'infidélité répétitive que l'on faisait tout pour ne pas voir, surtout quand elle était dopée au pouvoir, à l'argent et à la célébrité, est devenue officiellement, ouvertement, un vrai problème dont on peut parler.

Don Juan peut aller se rhabiller.