Saviez-vous que nos écoles étaient au régime?

Pas au régime minceur. Ni au régime anti-gras trans ni même au régime anti-sucre.

Nos écoles sont au régime pédagogique.

Un régime inscrit dans la Loi sur l'instruction publique, qui dit exactement combien de rations d'éducation nos enfants doivent recevoir durant l'année.

 

La loi ne dit pas de combien de secondes de mathématiques ils doivent s'abreuver chaque jour ou combien de minutes de français sont essentielles à leur alimentation intellectuelle.

Mais jusqu'à présent, elle parlait «d'un maximum de 200 journées dont au moins 180 doivent être consacrées aux services éducatifs». Maintenant, selon le projet de règlement inscrit cette semaine à la Gazette officielle - qui doit entrer en vigueur le 1er juillet prochain -, on propose de calculer le régime en heures, «entre 846 et 940 heures consacrées aux services éducatifs», réparties entre 180 à 200 jours de classe à temps complet comportant chacun 5 heures de services éducatifs au primaire et au secondaire et un peu moins de quatre heures et trois quart à la maternelle.

Comme tant de régimes amaigrissants populaires le font de temps en temps, l'approche change, mais l'objectif demeure. L'unité de calcul est nouvelle. Ce ne sont plus des doses quotidiennes d'éducation que recevront nos enfants, mais des rations horaires. On arrive avec un système d'additions plus précis, plus chirurgical, qui laisse plus de place à la souplesse. À la fin de l'année, ils recevront la même quantité de temps d'enseignement, nous assure-t-on. Mais peut-être que certaines journées seront plus longues. Et d'autres moins. Et peut-être déborderons-nous même sur le samedi...

Changement radical?

Une certaine flexibilité permettait déjà aux écoles qui ont des programmes enrichis ou spécialisés, de type sport-études, de demander des permissions ou dérogations pour ajuster les horaires aux besoins précis des écoliers. Le nouveau règlement officialise cette pratique. Modernise la loi.

L'époque où la vie se calculait en journées car tout le monde faisait du «9 à 5» est en effet révolue depuis longtemps. Travailleurs autonomes et pigistes en tous genres, entrepreneurs et artistes savent les uns autant que les autres que le travail se calcule en minutes, en idées, en résultats. Il est normal que nos écoles s'ajustent.

Va-t-on avoir des horaires totalement révisés, concentrés ou allégés, alternant «journées pédagogiques» plus nombreuses que jamais et semaines d'apprentissage condensées? La loi met des balises sur le nombre de journées qui doivent compter au moins cinq heures de «services éducatifs». Il doit y en avoir au moins 180. Là-dessus, on dirait le statu quo.

Mais qu'arrivera-t-il avec ces fameuses journées considérées comme de l'école, mais pendant lesquelles les enfants sont en réalité en congé, les «pédagos» ?

Y en aura-t-il plus? Et quand? Et comment seront-elles réparties?

Est-ce nécessaire de les saupoudrer un peu partout dans l'année? Ne pourrait-on pas faire des «semaines pédagogiques», qui offriraient la possibilité aux familles de faire une pause et de passer du temps ensemble plutôt que des mercredis et des jeudis éparpillés ici et là qui se résument généralement à une journée entière au service de garde, avec boîte à lunch, réveille-matin et zéro repos pour les petits?

A-t-on le droit d'en parler?

Parce le projet de changement au règlement, lui, va loin. Et là, il devient effectivement un peu radical.

Il retire le calendrier formel des congés scolaires de la Loi sur l'instruction publique. Au revoir la garantie de ne jamais avoir d'école le dimanche ou le jour de Noël et le lundi de l'Action de grâce... Exit toutes ces précisions. Le nouveau règlement proposé ne compte plus aucun calendrier. École le samedi comme jadis en France et encore plus jadis au Québec? Permis. Évidemment, les conventions collectives des enseignants et de tout le personnel écolier ont leur mot à dire sur la question. Et ce n'est pas demain que l'école va se mettre à ouvrir le samedi partout d'un bord à l'autre de la province. Et peut-être n'est-ce qu'un assouplissement nécessaire pour les programmes spécialisés et les activités éducatives pointues et uniques.

Reste que le calendrier classique avec ses jours fériés, comme la fête du Travail début septembre ou le premier de l'an, ne fera plus partie officiellement de la loi. L'école s'adapte tellement au rythme de vie moderne qu'à l'instar de ces parents qui passent leur vie scotchés sur leur MacBook ou leur BlackBerry, elle efface cette différence traditionnellement bétonnée entre jours de travail (du lundi au vendredi) et jours de congé (samedi et dimanche).

Étrangement, la technologie, la modernisation des programmes et l'éclatement des modèles de vie courants nous font revenir en arrière, comme à l'époque des histoires du Petit Nicolas, où les écoliers allaient à l'école le samedi mais pas le jeudi.

Bonne nouvelle?

Pas clair.