Quel sort aurait connu le Québec si Montcalm avait eu le dessus sur Wolfe ? Que mangerions-nous ? Quelle langue parlerait le capitaine du Canadien ? Quelle serait l'occupation de Jean Charest ? Alors que l'on s'apprête à commémorer le 250e anniversaire de la bataille des Plaines d'Abraham, La Presse a demandé à ses chroniqueurs de refaire l'Histoire.

Si Montcalm avait gagné la bataille des Plaines et que la France n'avait pas perdu (ou abandonné) la Nouvelle-France, j'ose croire que nos restaurants de campagne sauraient préparer l'omelette comme il se doit. Baveuse et légère.

 

On serait peut-être en train de dire lifting, footing, upgrading et je ne sais quel autre anglicisme étrange utilisé en France aujourd'hui, au lieu de nos délicieusement complexes robineux, enfirouaper et autres boîtes à malle. Mais au moins, on saurait où trouver, à l'extérieur des grands centres, une salade de concombre à la crème qui se respecte et de la tarte aux framboises sans fécule de maïs.

Imaginez si tous ces colons venus de Bretagne, de Normandie, du Poitou s'étaient étalés partout au Canada, entraînant avec eux, permettez-nous de rêver, des amis venus du Périgord, de Champagne, d'Alsace... Imaginez la vallée de l'Okanagan envahie par des gens de la Loire ou du Rhin. Imaginez le mousseux, l'agneau braisé au romarin, la tarte aux pêches façon Tatin...

En fait, imaginez la France gourmande partout. Imaginez beaucoup moins de ketchup et beaucoup plus de moutarde forte dans les casse-croûte bordant la route 132.

Imaginez la guédille de Charlevoix remplacée par une baguette à l'anguille fumée ou aux éperlans en escabèche... Imaginez des plateaux de pétoncles, de palourdes, de crevettes du Golfe et d'oursins frais sur des terrasses suspendues à Tadoussac ou à Port-au-Persil. Imaginez une spécialité à la morille que l'on irait manger en Abitibi ou une truite confite que seul le Saguenay saurait nous préparer...

Imaginez le sirop d'érable, protégé par de strictes règles de production assurant sa précise qualité, devenu célébrissime dans le monde entier, à côté des truffes, du Sauternes et autres denrées fines et rares...

Imaginez-vous devant une assiette de tête de veau à la sauce gribiche au lieu de votre poutine... OK, peut-être pas ça.

Mais imaginez quand même comment, dans notre assiette, ce serait une tout autre histoire.