J'ai hâte que le beau temps arrive.

Pas pour aller à la plage Doré me faire bronzer avec du super écran solaire bio brésilien sans paraben et moi sans parapluie.

Pas pour me promener en Bixi dans les rues de la métropole - dans les quartiers qui ont droit au service, on s'entend - sans risquer un déluge féroce m'obligeant à me blottir sous une marquise avec d'étrangers fumeurs.

 

Pas pour pouvoir m'asseoir dans mon jardin, sans imper, à lire mon journal, sur papier ou sur écran, tout en sirotant une limonade maison aux framboises écrasées.

Non, j'ai hâte qu'il fasse beau pour cesser d'entendre tout le monde se plaindre.

Pour ne plus avoir à endurer cette litanie incessante de rouspétage anti-météo qui nous inonde et nous imbibe depuis le début du mois de juin. Je n'en peux plus de cette complainte du Montréalais lésé qui, à l'entendre, aurait un droit inaliénable à un certain nombre de semaines de gros soleil et de grosses chaleurs par été. La Provence angle De Lorimier et Rachel en échange de tous ces mois à endurer neige et verglas.

Montréal l'été ne sera jamais Manosque ni Gordes. Ni même Avignon ou Aix. Montréal, c'est l'Irlande, c'est Dublin, Limerick, c'est le Donegal... D'où les arcs-en-ciel omniprésents qui trônent sur les autoroutes et les parcs endormis. D'où ces spectaculaires ciels tourmentés aux airs bibliques. D'où la verdure grasse et chlorophyllée au max. D'où les pommes de terre nouvelles qui goûtent la rosée et d'où, sûrement, bien que je ne les ai jamais vus, quelques leprechauns cachés sous tous ces trèfles saoulés par ce climat d'abondance...

Je reviens, je tiens à le préciser, de vacances passées en majeure partie au Québec, à la campagne. Non, il n'a pas fait un temps andalou, et de la pluie froide, on en a vu. Mais du soleil, il y en a eu aussi beaucoup. Assez pour faire fuir les truites en tout cas. D'accord, souvent, il jouait à cache-cache derrière des nuages blancs ou, disons-le, charbon. Souvent, certes, les journées de beau temps étaient ponctuées d'averses lourdes qui nous obligeaient à rentrer nous cacher.

Mais rien de tout cela ne mérite qu'on en parle autant et qu'on en reparle encore comme si nous étions victimes d'une injustice collective d'une bassesse infinie.

À nous entendre, nous sommes tous des agriculteurs, parmi les seuls qui ont, eux, le droit légitime de râler contre le temps quand il y a trop de quelque chose ou pas assez d'une autre. Le maïs est court. Les tomates encore vertes. Et il a fallu, à certains endroits, sortir les pommes de terre vite la semaine dernière pour fuir le mildiou. Pour eux, oui, les statistiques d'été pourri ont un sens. Et il est normal qu'ils ne trouvent pas d'un humour infini les geais bleus ridiculisés par leurs plumes mouillées, faisant quand même sous les trombes le va-et-vient du nid à la mangeoire.

Cela dit, les fermiers en ont vu d'autres.

J'ai croqué la semaine dernière des artichauts miniatures d'une élégance exquise qui venaient de passer à travers le même temps que vous et moi et ont trouvé quand même le tour de grandir en toute sérénité. Et vous ai-je parlé de petits pois mange-tout violets poussant dans une ferme découverte au hasard d'un jogging? Je ne les ai pas entendus se plaindre, eux, de cet été qui n'est pas comme il le devrait...

L'été le plus pluvieux, le plus froid, le plus nul? L'été, surtout, du plus grand et du plus inutile chialage collectif.