Autant l'astrologie et la futurologie et tous les trucs du style m'ennuient à fond - Mercure en quoi? - autant la prédiction de tendances en matière de consommation, style de vie, planification urbaine et compagnie me fascine totalement.

Sortez-moi une théorie à la Faith Popcorn ou, mieux, à la Jeffrey Rubin, sur l'avenir des pays industrialisés - cet économiste croit que le prix astronomique du pétrole obligera une reconversion des banlieues à l'agriculture, l'essence trop chère forçant un rapprochement domicile-travail et un redéploiement des fermes près des villes pour stabiliser le prix des denrées - et me voilà pendue à vos lèvres. Quoi? Nous recommencerons à cultiver des haricots à Boucherville? Les asperges de Saint-Esprit iront jusqu'à Mascouche? Ah! ouais...

J'adore. Surtout que si la tendance se maintient, selon ce type de prédictions, il pourrait y avoir des Bixi dans mon quartier un jour, peut-être...

J'adore, donc, les prédictions tendance. Ces déductions logiques du présent qui nous font dire ce que demain sera et un peu, comment on aimerait qu'il soit.

Vous n'y croyez pas?

Faith Popcorn a annoncé le retour en force du pâté chinois. Pas nommément, mais dans ses prédictions du début du millénaire, elle parlait amplement de la nostalgie pour la nourriture de notre enfance.

Fait que...

Fait que on peut prédire. On peut dire toutes sortes de choses sur l'avenir, sur la relève, pas seulement côté jardin, mais aussi côté cuisine... Et ça peut bien être vrai.

Mes prédictions?

L'avenir, sans que cela ait quoi que ce soit à voir avec Mars ou Vénus, poursuit sa route inexorable vers le local, c'est clair. Pensez relève, pensez plats faits à partir de produits régionaux qui, écologie et prix du pétrole obligent, n'ont pas à brûler de carburant en voyageant. Produits qui sont en outre pas mal plus savoureux puisqu'on n'a pas besoin de les transformer afin de les voir mieux résister au transport et à la manipulation. Moins on est stressé pour pousser, vous diront les courgettes et les carottes, meilleur on goûte.

Bientôt, c'est sûr, on entendra parler d'un chef qui se lance dans l'agriculture lui-même. En France, le très étoilé Alain Passard le fait et cultive maintenant ses propres poireaux, herbes et pâtissons dans trois zones agricoles non loin de Paris. Aux États-Unis, c'est surtout Dan Barber de Blue Hill à New York qui a fait parler de lui en lançant un tel projet, un peu au nord de Manhattan, il y a déjà quelques années. Maintenant, il approvisionne ses restos lui-même en légumes et viande.

Ma prédiction: dans quelque temps, on verra un tel projet ici aussi. D'ailleurs, Martin Picard, du Pied de cochon, a déjà un peu commencé en ouvrant sa propre cabane à sucre à Saint-Benoît-de-Mirabel et en faisant bouillir son propre sirop.

Toujours dans la tendance, la relève sera de plus en plus tournée vers les produits sauvages, donc ceux qui poussent sans apport d'énergie, que ce soit par le biais d'engrais ou d'outils agraires: baies, herbes, champignons... Et que l'on prépare sans ou presque sans cuisson, comme l'ont fait une douzaine des meilleurs chefs au monde, réunis le mois dernier à Copenhague - lu dans The Independant: après la Catalogne, le nouvel avenir gastronomique est en Scandinavie. L'événement s'appelait «Cook it Raw!». En français, on pourrait dire «Le cuit est cuit, place au cru...»

Rencontré récemment, un jeune chef de la grande relève européenne, le suédois Gustav Otterberg, étoilé Michelin, qui passe une heure et demie par jour à cueillir des produits dans la campagne entourant Stockholm, où il se rend... en transport en commun ou en vélo. «C'est sûr, je n'ai même pas de permis de conduire!» lance-t-il.

Sous peu - autre prédiction - on entendra parler d'un ou d'une jeune chef du Québec qui fait la même chose.

Je dis un ou une car l'avenir sera aussi plus mixte qu'avant. La relève sera de plus en plus LA relève.

Fini l'époque où les femmes cuisinaient à la maison et les gars dans les grandes cuisines. À l'Institut de tourisme et d'hôtellerie du Québec, notre principale école de cuisine professionnelle, les filles sont maintenant largement majoritaires en pâtisserie et en sommellerie. Elles sont aussi majoritaires dans le cours de service et le programme spécial de cuisine italienne, et s'approchent de la parité dans le programme de cuisine générale.

Parmi les étudiants en sommellerie, deux sur trois sont des femmes (et on voit déjà les jeunes sommelières à l'oeuvre, que ce soit chez Pullman, Laloux et même dans les officines de la SAQ). En pâtisserie, c'est quatre sur cinq. Et là encore, on voit de jeunes pâtissières s'imposer dès maintenant, comme Masami Waki, du Club chasse et pêche, ou Reema Singh, de Cocoa Locale, qui, même si elle ne fait pas de pâtisserie classique fait parler d'elle par l'originalité de ses produits. (D'ailleurs, en passant, regardez qui sont les spécialistes du cup cake à Montréal, nouvelle branche à la mode de la pâtisserie conviviale : des femmes, que ce soit chez Itsi Bitsi ou Choco'la).

Toujours côté dessert, le domaine du chocolat, à Montréal, est un terrain féminin, que ce soit avec Geneviève Grandbois ou Chloé Germain Fredette des Chocolats de Chloé.

La relève typique, donc : une femme qui cueille ses propres baies dans la forêt pour en faire des gâteaux? Ou des cèpes pour les cuire en risotto de riz sauvage? Ou de jeunes soeurs qui préparent leur propre liqueur de cassis à l'île d'Orléans? Attendez, elles existent déjà, ce sont les soeurs Monna... Un petit kir au cidre de glace avec ça?