Si vous allez faire vos courses dans de grandes surfaces, que vous achetez de la viande précoupée en gros paquets, à prix imbattable, si vous appréciez fortement les croquettes de poulet préfrites et le steak haché en boulettes qui se vend en boîte, dans le rayon surgelé, n'allez pas voir Food, Inc.

Si vous allez faire vos courses dans de grandes surfaces, que vous achetez de la viande précoupée en gros paquets, à prix imbattable, si vous appréciez fortement les croquettes de poulet préfrites et le steak haché en boulettes qui se vend en boîte, dans le rayon surgelé, n'allez pas voir Food, Inc.

Ou plutôt, allez-y. Car il faut voir ce documentaire de Robert Kenner. Mais préparez-vous. Ce film n'est pas fait pour que vous en ressortiez indifférent à ce qui se joue dans votre assiette.

Ce nouveau documentaire sur les conséquences néfastes de la surindustrialisation de l'agroalimentaire nous frappe de plein fouet avec une tonne de réalités qui ne peuvent laisser cois et désabusés tous ceux qui mangent pour vivre.

Le film, qui prend l'affiche au Québec demain, nous dit et nous montre haut et fort tout ce qu'on essaie de ne pas entendre et de ne pas savoir. Tout ce à quoi on préfère ne pas penser en poussant un gros panier à roulettes dans les allées de congélateurs de chez Costco ou le rayon biscuits chez Wal-Mart.

Il nous parle de bêtes soumises à des traitements horribles, à des fermiers traités avec une cruauté différente mais aussi grande. Il nous parle des aberrations de tout le système américain basé sur les subventions à la culture du maïs, ce grain dont le sucre est partout, cette industrie qui fausse la donne à grande échelle.

Le film montre, en gros, le côté très sombre pour ne pas dire sale, de notre panier d'épicerie.

Vous pensez que le sort des canards à foie gras est terrible? Vous pensez encore qu'il faut faire des campagnes de boycottage contre les supermarchés qui en vendent et les petits éleveurs qui en produisent?

Ce film montre à quel point ce sujet est marginal, voire ridicule. Combien de fois, dans une année, mange-t-on du foie gras, si on en mange, point?

Ce film, lui, parle de l'horreur chez ce que l'on mange tous les jours. Chez les boeufs, chez les poulets. Il parle du sort réservé aux humains qui travaillent dans les abattoirs et les fermes. Il parle d'enfants morts d'avoir mangé de la viande contaminée par l'E. coli, bactérie dont la présence dans notre alimentation est liée notamment à la surindustrialisation de l'élevage bovin. Si vous vous demandez comment il se fait que jadis, lorsqu'on était enfant, on pouvait manger des boulettes saignantes alors que maintenant on risque d'en mourir, l'explication vous sera donnée. Cela a à voir avec des herbivores qui se mettent à manger du maïs - ce qui provoque un changement de la flore intestinale des animaux - et des abattoirs énormes où la viande finit par entrer en contact avec le contenu des intestins. Non, rien pour vous ouvrir l'appétit.

Si vous avez déjà lu Fast Food Nation d'Eric Schlosser ou In Defense of Food de Michael Pollan, si vous avez vu le film Le monde selon Monsanto de Marie-Monique Robin, vous êtes déjà au courant d'une bonne partie des réalités désagréables exposées dans ce long métrage. Schlosser et Pollan sont interviewés longuement. Schlosser a même participé à la production du documentaire. Et toute la partie traitant de Monsanto et de ses graines modifiées génétiquement pour pouvoir résister aux herbicides de... Monsanto est beaucoup moins fouillée, évidemment, que le film consacré exclusivement à ce sujet.

Toutefois, ce documentaire ramasse bien ensemble tous ces différents propos, les intègre et y ajoute toute une dimension humaine dont on a peu parlé. Les travailleurs illégaux exploités, les fermiers terrorisés, les éleveuses de poules devenues allergiques à tous les antibiotiques... Et les victimes des empoisonnements alimentaires liés à l'industrialisation.

Dans Food, Inc., on comprend rapidement qu'on peut s'inquiéter du sort des poules élevées dans le noir et les fientes, du bétail même plus capable de se tenir debout tellement on l'a obligé à engraisser vite. Mais qu'au-delà de tout cela, il y a de vrais humains.

La partie, par exemple, où l'on explique comment le système fait grossir tout le monde, en créant avec des subventions à la production de maïs notamment un univers où les calories concentrées du sucre et du gras coûtent beaucoup moins cher que les aliments moins riches - fruits, légumes, etc. - est particulièrement percutante.

Et ce qui est aussi frappant, c'est que Michael Pollan explique qu'en grande partie, ce système a été créé par des politiques. Des politiques qui ont dérapé mais qui, par leur nature même, se changent. Si on l'exige.

Bon appétit.

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