Hier, j'ai passé une partie de la journée à regarder la télé. De la merveilleusement intéressante et vieille télé sur le site des archives de Radio-Canada. Des reportages et des enregistrements touchant le débat qui a eu lieu, de 1967 à 1969, avant l'adoption du célèbre «bill omnibus» du ministre de la Justice puis premier ministre Pierre Trudeau, qui proposait de décriminaliser l'homosexualité et d'ouvrir un petit peu l'accès à l'avortement.

Une page entière remplie de liens nous amène vers des archives qui nous donnent parfois l'impression que le monde n'a pas du tout changé depuis ces changements au Code criminel, il y a 40 ans - les commentaires d'un reportage au sujet de l'avortement auraient presque pu être recueillis hier matin -, alors que d'autres discussions montrent que notre univers social a basculé du tout au tout.

 

Par exemple, durant un extrait du débat des chefs des élections de 1968, on entend le chef du NPD de l'époque, Tommy Douglas, plein de bonne volonté et plein de sympathie envers les gais, se dire tout à fait prêt à appuyer le retrait du Code criminel des dispositions sur la «grossière indécence» utilisées pour condamner les actes homosexuels. Puis, il lance: «Au Canada, il nous faut adopter une nouvelle attitude au sujet de l'homosexualité. Le moment est venu. Au lieu de faire de cela un crime, et quelque chose qui se cache, nous devons reconnaître cela comme un cas psychiatrique qui doit être traité avec sympathie par les psychiatres et les travailleurs sociaux.»

Oh boy...

Donc, voilà, c'était il y a 40 ans. Trudeau avait les cheveux noirs et répétait clairement ses messages-clés: Ce que les gens font en privé, entre adultes consentants, ça ne regarde pas la police. Ça regarde leur conscience. Ça ne regarde pas l'État. Il faut sortir la notion de péché du Code criminel...

Un discours plutôt émouvant quand on se remet dans l'époque, quand on pense à tous ces gais et lesbiennes qui devaient vivre dans le secret, l'opprobre. Quand on pense au courage qu'il fallait pour affronter des mentalités à peine fraîchement décoincées par la Révolution tranquille.

Évidemment, direz-vous, côté avortement, le projet de loi n'avançait pas très loin. Il remettait aux médecins formés en «comités thérapeutiques» le droit de décider s'il pouvait être pratiqué. À l'époque, bien des pro-choix avaient été très déçus des limites qui demeuraient.

Mais ironiquement, en 1988, c'est la Charte des droits et libertés de ce même Trudeau qui a permis aux pro-choix invoquant le droit à la liberté de faire déclarer ces comités thérapeutiques anticonstitutionnels.

Pensez-vous qu'on a, aujourd'hui, les élus qu'il faut pour nous protéger contre ceux qui veulent ramener le péché dans le Code criminel?

Car des gens qui veulent ramener le péché dans la loi, il y en a. Il y en a beaucoup.

Hier, l'anniversaire du «bill omnibus» serait peut-être passé inaperçu, n'eût été les milliers de militants contre le libre choix en matière d'avortement qui sont allés à Ottawa demander au gouvernement Harper de légiférer sur la question.

Qu'autant de personnes - incluant le cardinal de Québec Marc Ouellet - aient trouvé le temps et les ressources pour aller manifester, ce n'est pas rien. Et c'est inquiétant pour ceux qui croient à la liberté de choix, qu'ils soient personnellement à l'aise ou totalement contre l'idée de l'avortement.

Parlant de choix. Vous connaissez Bristol Palin, la fille de Sarah Palin, tombée enceinte à 17 ans. Son nouveau bébé dans les bras - dont elle dit qu'il est un cadeau du Ciel -, elle fait maintenant campagne contre la grossesse chez les adolescentes en prônant l'abstinence, approche dont elle a pourtant déjà dit qu'elle n'était pas réaliste.

Paradoxes mis à part, ce qui est intéressant, c'est que Bristol a déclaré à CNN que c'était bien sa décision d'avoir gardé le bébé. «Ça n'a pas d'importance le point de vue de ma mère là-dessus. C'était ma décision.»

En outre, Sarah Palin a déjà avoué avoir considéré l'avortement pendant de très brefs instants avant de choisir de porter à terme son fils trisomique.

Si ce ne sont pas des choix, ça, c'est quoi?