Il y a deux ans, Daniel Germain, l'organisateur du Sommet du millénaire, m'avait dit que les acteurs Brad Pitt et Angelina Jolie viendraient à Montréal participer à son événement.

Ce projet, toutefois, n'a jamais marché.

Échec ou, au contraire, meilleure chose ayant pu arriver à cette rencontre internationale qui, même si elle cherche à attirer les vedettes pour capter l'attention, se doit aussi de préserver sa crédibilité et sa pertinence au-delà des cercles glamour?

 

Imaginez le cirque si le fameux couple était venu. Me semble qu'on aurait parlé en long et en large des conditions de vie sordides et désespérantes dans les camps de réfugiés du monde entier, qu'ils soient birmans, tibétains ou palestiniens - Jolie est porte-parole pour le Haut-Commissariat pour les réfugiés des Nations unies.

Me semble.

Cela dit, on aurait peut-être eu de l'excellent scoop au sujet d'un prochain film ou, mieux encore, sur leur prochaine adoption ou tout autre détail juteux de leur passionnant feuilleton familial. Bébé africain ici, jumeaux par là, saut de puce à La Nouvelle-Orléans. Elle n'est pas ennuyeuse, leur vie de famille. Passionnante même. Toujours des voyages, des nouveau-nés, des robes...

Mais les réfugiés?

En revanche, ceux qui l'ont déjà vue au Sommet du millénaire à Montréal, auquel elle participera cette année encore, le savent: l'actrice Mia Farrow est incroyablement touchante lorsqu'elle parle du Darfour.

Elle arrive avec ses photos, qu'elle a prises elle-même, sur place. Nous fait rencontrer des gens qui lui ont confié l'horreur de leur vie. Elle parle de l'absurde violence du quotidien de cette zone de guerre, de témoignages terrifiants d'assassinats et de viols. Elle raconte l'enfer avec tout son talent et on ressort de sa présentation lourd de tristesse, lourd d'avoir appris des réalités qu'on ne peut plus fuir.

Farrow, quand on a la chance d'aller l'écouter, quand on prend le temps de lire ce qu'elle a à dire sur la pauvreté dans le monde et sur la misère, est l'exemple même d'une star devenue vecteur hyper efficace d'un message humanitaire criant. Ses troubles matrimoniaux étant chose du passé et sa carrière cinématographique garée sur une sorte de voie de service, on ne s'intéresse plus beaucoup aux potins, à sa vie. On s'intéresse à ce qu'elle a à dire et qu'elle dit très bien.

«Je n'ai rien contre ces sommets et ces vedettes, mais dans ces rencontres, où sont tous ces témoins directs de la pauvreté et de l'horreur, comme cette victime de viol que je viens d'interviewer?» demande le journaliste François Bugingo, président de Reporters sans frontières Canada, joint au Rwanda où il tourne actuellement un documentaire.

Selon Bugingo, les vedettes finissent souvent par prendre trop de place, par devenir des messagers dont on oublie le message.

Exemple. Le journaliste d'origine rwandaise est de ceux qui pensent qu'effacer la dette des pays les plus pauvres, cause chère à Bono de U2, n'a rien d'une panacée. «N'est-ce pas plutôt tout simplement payer la carte de crédit de dictateurs?» demande-t-il.

Pourtant, quand avez-vous entendu quelqu'un remettre Bono en question?

On ne se rappelle que Bono. Et sa bonne volonté.

Le pire, c'est qu'il a trop raison.

Peu de temps avant notre conversation, je m'étais retrouvée à «googler» une campagne de pub humanitaire dont je me rappelais uniquement les vedettes et les photos: Chris Martin de Coldplay, Thom York de Radiohead et l'actrice Minnie Driver, entre autres, couverts de coton, de sucre ou de cacao.

En fait, ai-je fini par trouver, c'était une campagne d'OXFAM dont le but était d'attirer l'attention sur la cruauté du marché international pour le commerce d'une série de denrées de base, essentielles à l'économie de certains pays du Sud. Valeur marchande trop basse, populations appauvries.

En revanche, je me rappelle très bien qu'il y a trois ans, l'humoriste Rick Mercer était venu au Sommet du millénaire pour une campagne visant l'achat de filets antimoustiques et donc antimalaria. Est-ce parce qu'il avait été très drôle ou parce que l'acteur Ashton Kutcher en a reparlé lui aussi, récemment, défendant pleinement la cause sur Twitter? (Et je me rappelle aussi que Belinda Stronach avait appuyé cette campagne antimalaria à Montréal et qu'on avait fait grand cas de sa présence en ville en même temps que son bon ami Bill Clinton...)

Bref, elles en prennent de la place, les vedettes.

Et parfois, elles en prennent tellement qu'elles gâchent carrément la sauce, façon Madonna, qui vient tout juste de se faire refuser sa demande pour une seconde adoption au Malawi, malgré les millions qu'elle y a investis. Non seulement sa célébrité ne l'a pas aidée, mais cette fois, elle a probablement nui à la vedette qui voulait faire une entorse au règlement.

Un beau gâchis. Un beau cas d'espèce sur la surexposition. Sur la fine ligne entre vouloir aider et finir par sonner creux.