Le chef et restaurateur Christian Constant, qui pilote quatre restaurants à Paris près de la tour Eiffel, croit que la crise économique actuelle n'apportera pas que du triste et du sombre.

Le chef croit que la crise apportera du bon: un retour aux sources de la cuisine et un nettoyage commercial.

«Il y a eu arnaque», lance le chef, qui est de passage à Montréal pour le festival Montréal en lumière. «Et cette crise nous aidera à revenir aux justes valeurs.»

Assis à La Fabrique, le nouveau restaurant de Laurent Godbout, rue Saint-Denis, où il cuisinait hier soir, le chef parle avec enthousiasme de son métier, du Québec qu'il adore et de la situation de la restauration à Paris, qui avait besoin du grand ménage que met en marche la crise économique.

«La bière à 10 euros, les bouteilles d'eau à 8 euros... Ça ne va pas», dit le chef. Les prix gonflés n'ont pas de sens. Et il y a trop d'intermédiaires gloutons entre le produit et le consommateur.

Propriétaire du Violon d'Ingres, d'un établissement appelé Les Fables de la Fontaine, d'un autre nommé Les cocottes et du Café Constant, celui qui a formé bien des jeunes chefs - dont Yves Camdeborde et Éric Fréchon - a bien vu le monde des restaurants évoluer depuis 40 ans. Il est passé par le Ritz, le Crillon, Ledoyen... Il a vu l'eau couler sous les ponts et croit que nous sommes maintenant à un moment charnière qui apportera des transformations positives à la restauration et même à nos habitudes à la maison.

«Ce qui va passer, c'est l'authentique, dit-il. Ce qui va rester, c'est la vérité.»

La vérité comme dans les choses vraies: les vrais produits, la vraie cuisine, les vrais prix.

«Ceux qui ont volé les touristes vont s'étouffer», prédit-il.

Car M. Constant ne se fait pas d'illusion. Plusieurs restaurants devront fermer. La diminution de la masse monétaire disponible pour ce genre de consommation affectera le commerce. C'est clair. Mais cela fera une sorte de ménage. «La crise va épurer les mauvais ouvriers.»

La nécessité de faire baisser les notes pour garder les clients poussera aussi les chefs à être plus créatifs, croit M. Constant, qui voit cette nécessaire adaptation comme un nouveau défi. «Il n'y a pas besoin de prendre des produits chers pour faire de la bonne cuisine», explique-t-il en laissant son accent du Sud-Ouest faire bondir et rebondir les syllabes. «Il faut aimer les produits. Et la crise peut aider les pays à développer leurs produits. Ça va faire du bien pour développer les palais.»

M. Constant croit aussi qu'il faudra réapprendre à cuisiner de façon économe comme on le faisait jadis. Sans gaspillage, donc en sachant apprêter les restes. Un pot au feu peut ainsi devenir hachis Parmentier ou servir de base à une sauce bolognaise. «Il va falloir savoir cuisiner. Savoir éplucher une belle carotte et la râper pour en faire une bonne salade plutôt qu'acheter la version toute faite qui coûte trois fois le prix.»

Sur ce, M. Constant commence à lancer mille suggestions de plats simples. Une soupe à l'oignon gratinée. Un poulet grillé que l'on mange froid le lendemain avec de la mayonnaise. «Mais pas en tube! De la mayonnaise maison. La mayonnaise maison, on fait ça avec un oeuf, de la moutarde, de l'huile et un peu d'amour. C'est tout!»

Et la liste continue. Un bouillon, une omelette... «Un potage poireaux pommes de terre? Vous en avez pour cinq minutes. Et pendant que ça cuit, vous lisez un bon livre ou vous faites la lessive!»

COUP DE COEUR: Pour la cuisine de Christophe Pelé et Giulano Sperandio de Bigarrade. Du délirant risotto aux truffes au gâteau au chocolat amer en passant par la pintade et les pétoncles au jus de pomme vertes, tout était précis et surprenant.

LE PLAN: Essayer de faire comme les chefs lorsqu'ils sont en voyage et veulent essayer un maximum d'adresses, soit souper à deux restaurants le même soir. Le Laurie Raphaël où travaillait hier Patrice Hardy et la Fabrique, pour goûter au moins à un plat de Christian Constant. On en reparle.

RECOMMANDATION: Il reste encore des places pour quelques événements de Montréal en lumière, volet gourmand, vendredi ou samedi, notamment chez Raza, avenue Laurier, où sera le chef Julian Alonzo de la Brasserie 8 1/2, lieu moderne de création française à New York, qui récolte les éloges. Le prix: 90$ par personne. Réservations: 514-227-8712.