Soucieuse d'améliorer la qualité de vie de tout le monde sur nos routes, la Société d'assurance automobile du Québec a commandé une étude pour savoir si les usagers perçoivent un problème de courtoisie.

Oui, répondent-ils en choeur.

Ça tombe bien, parce que la SAAQ avait justement mis en marche une campagne de pub pro-courtoisie dont elle fait évaluer la réception par le même sondage...

 

Par cette étude, la société d'État nous montre qu'elle se préoccupe d'un problème gravissime qui sévit actuellement au Québec et à Montréal, soit l'anarchie et le je-m'en-foutisme sur nos routes.

Le hic, c'est qu'avec un tel sondage, qui se préoccupe essentiellement de perceptions, on passe dans la voie de desserte, à côté du problème. Pas loin, mais à côté.

D'abord, il est clair que ça va mal dans les rues et sur les routes. Les automobilistes brûlent les feux rouges, les piétons traversent les artères alors que la main censée leur interdire d'avancer est allumée, les cyclistes roulent à l'envers dans les sens interdits... Les automobilistes remplissent les intersections et causent des bouchons, s'invectivent, se dépassent par la droite... Sur les autoroutes, on crie, on gesticule, on se fait des bras d'honneur.

Ce n'est pas le Far West, mais parfois, on a l'impression que si.

La SAAQ a donc tout à fait raison de s'inquiéter.

Mais doit-elle s'en faire avec nos sautes d'humeur? Notre manque de politesse? Notre goujaterie. Ou ne devrait-elle pas plutôt s'insurger de notre ignorance du Code de la route et du chaos qui en découle?

Le gars qui en coupe un autre en entrant sur l'autoroute est-il impoli ou n'est-il pas plutôt tout simplement incapable de comprendre ce que veut dire, en français, en termes routiers, le mot «céder» ? Sait-il ce que signifie le triangle rouge et blanc à l'envers?

Voilà qui serait un sondage intéressant. Un sondage mesurant le niveau de connaissance du Code de la route chez les automobilistes. Et quel pourcentage, croyez-vous, saurait que «céder» signifie qu'ils sont obligés de laisser passer tous les autres, jusqu'à une bonne grosse éclaircie, avant d'entrer sur l'autoroute, même s'ils sont arrivés avant...

Le sondage que nous publions aujourd'hui dit qu'une des choses qui agacent le plus les gens est cette habitude qu'ont certains conducteurs pressés de les coller aux fesses sur la route.

Effectivement, c'est fort agaçant.

Mais ces colleux d'autoroute - qu'on pourrait aussi appeler les «appeleux de phares» - savent-ils qu'il y a une raison pour laquelle il ne faut pas faire ça? Moi, je pense qu'ils dormaient - comme plusieurs d'entre nous - dans leurs cours théoriques de conduite le jour où le prof a expliqué la nécessité d'augmenter, selon la vitesse, la distance à garder avec le véhicule nous précédant sur la route, pour laisser à notre voiture l'espace nécessaire pour s'immobiliser complètement en cas de freinage brusque.

Là comme ailleurs, ce n'est pas tant la courtoisie qui manque à ces gens que la compréhension des conséquences de leurs décisions. Si la SAAQ a envie de faire des campagnes d'éducation publique, c'est sur ce genre de sujet qu'elle devrait se concentrer. Pourquoi la société d'État choisit-elle de nous expliquer dans une pub qu'on se sent mieux quand on est gentil, alors qu'un message pourrait tout simplement expliquer que se rapprocher excessivement d'un autre véhicule sur l'autoroute, c'est s'exposer à un risque de carambolage avec augmentation de prime d'assurance garantie pour celui qui emboutit l'autre.

Ne serait-ce pas plus efficace?

Pour ce qui est des cyclistes, c'est la même chose. Ce n'est pas de courtoisie qu'il faut leur parler, mais de la base. Feu rouge, stop... À Montréal, c'est systématique, à moins de forces majeures - des voitures qui arrivent dans la rue perpendiculaire - ils se moquent complètement de la signalisation aux intersections. Et c'est sans parler de leur mépris pour les sens interdits. Pensez-vous que c'est en leur disant qu'on passe une meilleure journée après avoir laissé passer quelqu'un qu'ils vont arrêter de parler au cellulaire en zigzaguant entre les camions?

Et les piétons? Eh bien eux, ils sont très souvent victimes de l'analphabétisme routier des conducteurs qui semblent ignorer qu'ils ont très, très, très souvent priorité.

En revanche, eux non plus n'ont pas un dossier sans tache. Quelqu'un, au fait, leur a-t-il expliqué que lorsqu'il y a une main orange illuminée dans la petite boîte noire qui leur sert de feu de circulation, ils ne sont pas censés traverser, même si le feu de circulation des voitures est vert?

Ça aussi serait une campagne d'information nécessaire à Montréal.

Évidemment, direz-vous, il y a déjà eu un épisode de Passe-Partout sur l'art de bien traverser la rue. Ou était-ce Caillou? Peu importe. L'important, c'est qu'on est apparemment prêts pour la version pour adultes.

Pour joindre notre chroniqueuse: mlortie@lapresse.ca