Prudence est mère de sûreté, se dit Catherine. Surtout en ces temps troublés. Elle vise la sécurité et ne veut pas courir de risques, inutiles ou non. Âgée de 59 ans, elle aimerait prendre sa retraite quelque part entre 60 et 65 ans. «Mais si je ne suis pas obligée de me rendre à 65 ans, j'aimerais ça», précise-t-elle. Ce souhait est toutefois freiné par une préoccupation: «Est-ce que je vais avoir assez d'argent? Si je vis jusqu'à 90 ou 95 ans, il ne faut pas que je manque de fonds.»

La décision est d'autant plus difficile à prendre que notre correspondante travaille depuis 25 ans pour un excellent employeur, qui lui offre la brochette complète des avantages sociaux: six semaines de vacances, deux semaines de congés de maladie, assurances vie, invalidité et voyage...

 

Elle bénéficie également d'un régime de retraite. Elle estime qu'à 60 ans, elle toucherait une rente de 550$ par mois; elle recevrait 900$ si elle retardait sa retraite à 65 ans.

Catherine a réussi à accumuler 168 500$ dans un REER, «investis dans des obligations du Québec et dans des dépôts à terme, donc de façon très sécuritaire», précise-t-elle.

Tous ses droits de cotisation au REER étant utilisés, elle a amassé également 62 000$ en épargne non enregistrée, investie tout aussi prudemment, et un fonds de réserve de 5000$.

Catherine est veuve. «Il n'y a pas de deuxième revenu», dit-elle. Elle touche néanmoins une rente de conjoint survivant de la RRQ, d'environ 650$ par mois.

Elle possède enfin une propriété dont elle estime la valeur à 200 000$. «Les réparations sont mon plus gros problème, confie-t-elle. Je me demande si je dois la vendre ou la garder et la réparer.» Salle de bains à refaire, terrassement, drain à installer... Elle croit que les travaux s'élèveraient à environ 40 000$.

Mais elle aime son quartier. «C'est un secteur tranquille, c'est effrayant», écrit-elle dans un curieux paradoxe.

Elle aimerait continuer à faire un voyage par année puis, parvenue à la retraite, passer peut-être un mois ou deux dans le Sud chaque hiver. «C'est pourquoi il ne faut pas que je cesse de travailler trop vite ni que je manque de sous pour faire tout ça.»

Analyse de risque

Avec l'aide d'Éric Boileau, planificateur en placements et retraite chez RBC Gestion Patrimoine, Catherine a évalué son coût de vie actuel à 30 000$; elle espère maintenir ce train de vie à la retraite.

Pour les besoins d'une projection de revenus de retraite, le conseiller a posé l'hypothèse, prudente mais courante, d'un taux d'inflation de 3% par année.

Plus surprenant, Catherine a insisté pour que dans cette projection, le rendement moyen de ses placements soit fixé à 3%. Les deux taux étant équivalents, ses épargnes ne gagneront pas de pouvoir d'achat avec le temps.

«Le plan est extrêmement conservateur, convient Éric Boileau, mais madame est conservatrice et se sent bien là-dedans. Avec ce qui se passe présentement sur les marchés, les gens conservateurs le deviennent plus encore.»

Mais en limitant tout risque dans ses placements, Catherine fait face à l'autre danger qu'elle souhaitait précisément éviter: le risque de manquer de fonds. Si elle prend sa retraite à 60 ans dans ces conditions, elle aura épuisé ses économies en 2016. Elle devra vivre ensuite avec les seules rentes versées par la caisse de retraite de son employeur et par les deux ordres de gouvernement, soit un revenu après impôt d'environ 20 000$ par année.

«Je ne suis pas arrivé à obtenir 30 000$ de revenus nets», commente Éric Boileau. Si on ne modifie pas les autres paramètres, il n'y a qu'une solution: réduire le train de vie et la durée de la retraite.

Si Catherine reporte son départ à la retraite à 65 ans, les rentes versées par son employeur et la RRQ seraient bonifiées par ces cinq années de contributions supplémentaires. De la même façon, son portefeuille REER aurait grimpé à 225 000$. Dans l'intervalle, ses économies hors REER auraient crû elles aussi. Cependant, Catherine et Éric Boileau ont convenu qu'il serait préférable qu'elle conserve sa propriété et utilise ses fonds non enregistrés pour payer les rénovations.

«Dans la vente d'une propriété, il n'y a pas seulement le côté transactionnel, fait valoir notre planificateur. Il y a aussi le coté émotionnel - les souvenirs, les rêves, etc. Catherine n'est pas sûre à 100% d'être prête à vendre sa maison, qui lui apporte beaucoup de confort et qui est située dans un quartier où elle se sent en sécurité et où elle connaît les gens.»

Malgré cette ponction de 40 000$, l'épargne hors REER de Catherine atteindraient tout de même 30 800$ au moment de sa retraite, en 2014.

Reporter la retraite ne suffit pas. Il faut également gagner du terrain du côté des dépenses de retraite. Les projections de notre planificateur montrent qu'en limitant son train de vie à 28 500$, Catherine épuiserait ses épargnes à l'âge de 85 ans.

Autre hypothèse: Catherine pourrait également vendre sa propriété au moment de partir à la retraite. Elle vaudrait alors 225 000$. Avec ce capital, elle pourrait maintenir un coût de vie de 35 000$ par année. En contrepartie, un loyer de 750$ par mois ajouterait 9000$ à ses dépenses annuelles.

Catherine a vérifié dans son quartier les prix d'un appartement de deux chambres à coucher avec garage. Elle ne s'en tirerait pas à moins de 250 000$, soit davantage que ce qu'elle pense tirer de la vente de sa maison.

En somme, il est préférable qu'elle conserve sa maison et qu'elle continue à travailler jusqu'à 65 ans. Ce n'est d'ailleurs pas un pis-aller. «Elle a un excellent emploi, et elle n'est pas fatiguée de travailler», commente Éric Boileau.

«Ce plan ne lui demande aucune stratégie supplémentaire pour arriver à ce budget de 28 500$, observe le planificateur. Ses rénovations sont faites et elle conserve sa maison, où elle a beaucoup de souvenirs.»

Ses calculs ne tiennent pas compte de la valeur de sa propriété, qui constituera une réserve supplémentaire durant la retraite.

Catherine pourra ainsi réduire les risques à leur minimum. Éric Boileau préconise toutefois une toute dernière précaution: «Il sera important de faire un suivi pour voir si l'hypothèse d'une inflation de 3% est réaliste ou non.»

Car on ne peut pas tout garantir...

 

LA SITUATION

Catherine, parvenue à 59 ans, aimerait bien prendre sa retraite avant 65 ans. Elle veut maintenir un train de vie de 30 000$ par année, tout en limitant les risques - risques de pertes boursières, de manque de fonds...

«Quand puis-je prendre ma retraite en vivant confortablement?» Catherine

Les chiffres:



Catherine, 59 ans

Revenus: 52 000$

Rente de conjoint survivant: 7800$ par année

Rente de retraite complémentaire estimée à 65 ans: 10 800$

Actifs:

Maison, estimée à 200 000$, libre d'hypothèque

Épargne REER: 168 500$

Épargne non enregistrée: 67 000$

Aucune dette

La recommandation:



En limitant les risques, on limite aussi les rendements. Pour faire durer ses épargnes jusqu'à 85 ans, Catherine devra prendre sa retraite à 65 ans et réduire ses dépenses à 28 500$.

 

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