Cela reste entre nous, bien sûr, mais j'ai prénommé mon fils aîné en hommage à mon équipe de soccer préférée. Heureusement, mon équipe de soccer préférée n'est pas le Real Madrid.

Cela reste entre nous toujours, mais j'ai prié le p'tit Jésus pour que mon Pibe de Oro ne naisse pas un 25 décembre, comme prévu, mais plutôt dans les premiers jours de janvier. Les groupes d'âge au soccer s'accordent avec le calendrier civil, pas scolaire. Les enfants nés début janvier ont donc un avantage sur les enfants nés fin décembre. (Mes prières, en passant, ont été exaucées.)

Bon, bon, bon... Vous vous dites sans doute: un autre sportif de salon qui fait de la projection sur son fils à naître. Et vous n'avez peut-être pas tort. Heureusement, j'exagère (hum)! Non, je ne suis pas de ces pères qui, comme dans le documentaire d'André Melançon, Les vrais perdants, mettent une pression indue sur les épaules de leurs rejetons, en rêvant pour eux d'une carrière inaccessible dans le sport professionnel.

C'est tout juste si je me permets parfois quelques conseils depuis la ligne de touche (ce qui n'est pas souhaitable, je sais: encourager, c'est bien; se substituer au coach, moins). J'ai joué au soccer longtemps - un peu trop pour mon propre bien - et j'ai même entraîné, dans la jeune vingtaine, une équipe du club actuel de mon aîné, composée de joueurs de l'âge de mon cadet.

J'ai aussi travaillé comme arbitre, à l'adolescence, ce qui m'a permis de constater de visu l'étendue de la bêtise humaine. Des parents qui oublient qu'il s'agit d'un jeu d'enfants, qui insultent les entraîneurs, les arbitres, ou même les joueurs, en perdant tout sens de la mesure, du civisme et de leurs responsabilités.

Le phénomène de la «rage d'estrade» est loin d'être l'apanage du hockey. Je devais avoir 16 ans lorsque mon coach de soccer a failli en venir aux coups avec mon coach de hockey, parce qu'il estimait que son fils n'avait pas eu assez de temps de glace pendant un match. Grandeurs et misères du sport.

Il n'y a pas que les parents au comportement intempestif qui sont une source d'irritation dans le sport amateur. Il y a aussi les distances à parcourir, les heures des matchs, le trafic...

Premier match de tournoi de la saison de Fiston, par un samedi matin frisquet de mai dernier. Présence requise à 6 h 15! L'équivalent pour moi, en minutes et en secondes, d'un supplice de la goutte chronologique.

Premier match amical, un dimanche après-midi à Saint-Bruno. Nous sommes partis vers notre destination, mes garçons et moi, en improvisant notre propre Carpool Karaoke dans la bonne humeur d'une chanson des Trois Accords (la bien-nommée St-Bruno). Nous avons rapidement déchanté. Le pont Jacques-Cartier était réduit à une voie vers la Rive-Sud. J'ai mis une heure à me rendre de la maison au pont; une autre demi-heure à me rendre au terrain.

«T'es passé par où?», m'a demandé mon amie Isabelle, qui a grandi à Saint-Bruno. «Ben voyons! On ne prend JAMAIS Papineau. Tout le monde sait ça!» Une évidence de banlieusard, semble-t-il. Comme le fait de pouvoir se rendre de chez soi, peu importe où cela se trouve sur la Rive-Sud, au centre-ville de Montréal en 12 minutes «porte à porte» (13 s'il y a du trafic)...

Évidemment, le GPS de mon téléphone cellulaire, que je n'avais pas pris le temps de consulter, me proposait plutôt d'emprunter le pont-tunnel. Je me suis dit qu'on ne m'y reprendrait plus! Pour un tournoi à Boucherville, j'ai décidé de ne pas me fier à mes instincts trompeurs et de suivre docilement les indications à l'écran.

Le pont était fermé pour cause de Tour de l'île. J'ai pris le pont-tunnel. En sortant, le dessin était si peu clair - ou moi si peu doué - que je me suis retrouvé en direction de Longueuil.

Bien sûr, tout était bloqué à Longueuil, où passait aussi le tour cycliste. Le GPS insistait pourtant pour que je suive des voies fermées. Je me suis mis à évoquer le p'tit Jésus et d'autres saints. Derrière, les garçons étaient pétrifiés. J'ai fini par me frayer un chemin par des rues résidentielles jusqu'à Boucherville, en arrivant évidemment en retard pour le coup d'envoi.

J'ai de la chance. D'ordinaire, les matchs ont lieu dans le West Island, où j'ai grandi, sur des terrains que je connais et où j'ai moi-même joué. Mais la population s'est densifiée dans l'Ouest-de-l'île depuis 25 ans et la ligue de soccer ratisse de plus en plus large.

Premier match officiel de la saison, un mercredi soir de mai à 18 h 30... à Saint-Lazare! C'est-à-dire presque en banlieue d'Ottawa. Je suis allé cueillir Fiston dès sa sortie de l'école. Des bouchons depuis l'échangeur l'Acadie jusqu'à Dorion. Un peu moins de deux heures pour me rendre à destination, «porte à porte». Et tout ça pour un match de 50 minutes, perdu 6-0!

Je me suis dit qu'il faudrait peut-être que je quitte mon emploi pour devenir chauffeur à temps plein de mon fils joueur amateur de soccer de 12 ans. Depuis, d'autres parents m'ont proposé de faire du covoiturage. Ils s'étonnent que je refuse quasi systématiquement leur aide. Cela reste entre nous, mais si je raccompagne avec plaisir leurs enfants, il n'est pas question que je rate un match de Fiston!

Malgré le trafic, les longs trajets, les heures impossibles, j'adore me retrouver un soir d'été, mon plus jeune sur les genoux, assis dans ma chaise pliante achetée à bas prix dans une pharmacie, pour regarder mon plus vieux fouler l'herbe un ballon au pied.

Cela reste entre nous, bien entendu, mais pour rien au monde je ne renoncerais à ma vie de soccer dad.