On se sent forcément surstimulé à la rentrée. Ne sachant où donner de la tête, sollicité de toutes parts par le monde du théâtre, du livre, du cinéma, de la musique, du cinéma; d'ici et d'ailleurs. L'offre est abondante, notre temps, compté. Il y a pire. First world problems...

On aimerait avoir le don d'ubiquité. On doit plutôt faire des choix. C'est le prétexte de cette chronique. «Parle-nous de ce qui t'allume le plus», m'a demandé Suzanne, ma patronne. Si je suis bien franc, il y a, parmi les centaines de spectacles, romans, émissions, disques, pièces et films de cette rentrée culturelle, une oeuvre qui m'enthousiasme plus que toutes les autres. Je l'attends impatiemment, comme un enfant espère la venue du père Noël.

Ç'aurait pu être la pièce Cinq à sept de Fanny Britt, à l'Espace Go, la suite d'Ils étaient quatre de Mani Soleymanlou (qui en assure la mise en scène). Une soirée bien arrosée, et un regard cru sur une génération, du point de vue cette fois de trois femmes (Kathleen Fortin, Julie Le Breton, Geneviève Schmidt). J'ai hâte de découvrir ce nouvel angle.

Ç'aurait pu être la sortie du nouveau disque de PJ Harvey ou la (rare) visite de Wilco au Métropolis. Ç'aurait pu tout aussi bien être le fascinant faux documentaire de Jafar Panahi, Taxi, lauréat de l'Ours d'or au plus récent Festival de Berlin (que j'ai vu). Le cinéaste iranien, assigné à résidence à Téhéran depuis quelques années, se transforme pour la caméra en chauffeur de taxi clandestin. Sa clientèle bigarrée se découvre comme un microcosme sans fard de la vie quotidienne en Iran.

Le même jour (le 16 octobre) sort en salle LE film qui était sur toutes les lèvres en mai au Festival de Cannes, Trois souvenirs de ma jeunesse d'Arnaud Desplechin. Sans doute parce qu'il n'a pas été sélectionné en compétition officielle, où l'y voyait pourtant une majorité de journalistes français. «Nous avons le meilleur film du festival», avait déclaré, un brin présomptueux, Edouard Waintrop, le sélectionneur de la Quinzaine des réalisateurs, section parallèle du Festival.

Le cinéma étant mon dada, j'ai aussi hâte de découvrir les films québécois de l'automne, parmi lesquels Ville-Marie de Guy Edoin, Paul à Québec de François Bouvier, Anna de Charles-Olivier Michaud et Guibord s'en va-t-en guerre de Philippe Falardeau. Le Steve Jobs de Danny Boyle avec Michael Fassbender attise ma curiosité, tout comme le nouveau Spielberg, Bridge of Spies, d'après un scénario des frères Coen.

The Hateful Eight de Tarantino et The Revenant d'Iñárritu meubleront sans doute mon temps des Fêtes. Mais s'il est un film - une seule oeuvre, en fait, toutes catégories confondues - que j'attends plus que les autres, c'est le nouvel épisode de Star Wars, The Force Awakens, attendu dans précisément 104 «dodos»...

Star Wars, comme si j'avais de nouveau 10 ans. C'est l'âge que j'avais lorsque j'ai vu au cinéma un épisode de la série pour la première fois (Return of the Jedi, en 1983). J'ai découvert Star Wars et The Empire Strikes Back (mon préféré d'entre tous) grâce aux bonnes vieilles vidéocassettes VHS. The Force Awakens sera, 32 ans plus tard, le premier Star Wars que mes garçons, 9 et 11 ans, auront le plaisir de découvrir sur grand écran.

Ils attendent le 18 décembre avec autant d'impatience que moi. Eux aussi ont préféré les épisodes de la trilogie originale. Même si, à leur avis, «le III» vaut bien «le VI». «Tu veux dire le troisième film de la première ou de la deuxième trilogie?», que j'ose leur demander. Je m'y perds en chiffres romains et en antépisodes; j'ai raffiné en revanche mon imitation de Darth Vader confiant à Luke «Je suis ton père» (bruit de succion d'aspirateur).

Autant j'ai hâte de découvrir la vision de Star Wars du cinéaste J.J. Abrams, qui a donné un nouveau souffle à la série Star Trek (dont je n'ai jamais été un adepte), autant j'ai peur que mon souvenir romantique de la première trilogie ne soit altéré d'une façon ou d'une autre par une suite bâclée.

Il faut dire qu'à l'instar d'une majorité de fans de la première heure, j'ai vécu de manière douloureuse la phase «Jar Jar Binks» de Star Wars. Sans l'humour décalé de Han Solo - personnage imparfait s'il en est: orgueilleux, brouillon, crâneur, prêt à bien des compromis pour arrondir ses fins de mois, mais courageux et de bon coeur -, la trilogie du début des années 2000, trop puérile et portée sur les effets spéciaux, avait laissé plus d'un admirateur sur sa faim.

Mais voilà que revient à la barre du scénario, pour épauler George Lucas, son ami Lawrence Kasdan, scénariste de L'Empire contre-attaque (et de Raiders of the Lost Ark de Spielberg, la même année). Il avait pourtant juré qu'on ne l'y reprendrait plus. «George m'a demandé de travailler à la nouvelle trilogie des Star Wars, mais j'ai refusé», m'avait dit en 1999, au Festival de Toronto, le cinéaste de The Big Chill.

Grâce à l'humour subtil et sardonique de Kasdan - qui a rendu irrésistibles les personnages interprétés par Harrison Ford dans les années 80 - ainsi qu'au retour à l'écran des interprètes originaux de Luke, Leia et Han, il est permis d'espérer que le premier épisode de cette nouvelle trilogie, dont l'action se déroule quelque 30 ans après Return of the Jedi, s'élèvera au-dessus de la platitude de la dernière trilogie. C'est-à-dire des trois derniers épisodes, qui sont en fait les «premiers», «le I», «le II» et «le III», comme disent mes garçons. On suit à la maison?