Quelle mouche a piqué Claude Meunier? C'était l'évidence même que son Ti-Mé Show ne plairait pas à la critique. Cette parodie de talk-show est campée dans un décor d'une autre époque, épouse les codes d'une autre époque, livre des blagues d'une autre époque, avec à sa barre un personnage popularisé il y a plus de 20 ans.

Ce n'est ni très innovateur ni très drôle, pour un résultat beige et suranné, sorte de croisement entre Pour le plaisir et Ad Lib. C'est peut-être ce que recherche un certain public, qui a répondu en très grand nombre à l'appel (plus de 1,2 million de téléspectateurs il y a une semaine). Mais pas pour la critique, qui voit d'un mauvais oeil ce projet depuis sa conception et a trouvé que s'il évitait le pire, il était loin de s'approcher du meilleur.

Claude Meunier a pourtant l'habitude des critiques dévastatrices. Sa dernière série, Adam et Ève - qui ne méritait pas mieux - est passée à la moulinette des chroniqueurs de télévision. 

Il faut dire que le Dong du célèbre duo à peau de vache n'a pas eu la main heureuse depuis 10 ans, accumulant les insuccès au cinéma, à la télé et même en bande dessinée.

Cela n'enlève rien à ce qu'il a accompli et représente dans le paysage humoristique québécois. Mais comme Yvon Deschamps, qui n'a pas toujours connu l'état de grâce - du moins selon mes souvenirs de Samedi de rire -, Claude Meunier n'est pas infaillible. 

Quand on a réussi à faire vibrer la corde sensible du public avec autant d'efficacité, les attentes sont forcément élevées. Claude Meunier est peut-être victime de son immense succès. Celui de La petite vie sera difficile, sinon impossible à reproduire.

Ce n'est pourtant pas à l'aune de ses succès antérieurs que Claude Meunier a été jugé pour sa nouvelle émission, le Ti-Mé Show, en ondes depuis le 16 janvier à Radio-Canada. Cette parodie de talk-show a été jugée pour ce qu'elle est, parfois sévèrement.

Le chroniqueur télé du Devoir Stéphane Baillargeon a jugé, dans une charge à la moissonneuse-batteuse, que cette émission était «une niaiserie de trop». «On se retrouve donc dans une émission de télé de 2015, animée par un personnage de la télé des années 90, qui évoque de la télé des années 60 ou 70. Misère. Mettez tout ça aux vidanges...» a-t-il écrit.

Le chroniqueur télé du Journal de Montréal, Guy Fournier, n'a guère été plus tendre. L'ancien président du conseil d'administration de Radio-Canada a de nouveau accusé la télévision publique de gaspiller l'argent des citoyens (son leitmotiv) en qualifiant de «niaises» les «inepties» de Ti-Mé et de son coanimateur Pogo (Rémy Girard).

Ce n'est pourtant pas à ses critiques les plus virulents que Claude Meunier s'en est pris mercredi, sur le compte Facebook de son émission. «Voilà des années que vous vous acharnez à ne pas comprendre ce genre d'humour! Lâchez pas, vous allez finir par y arriver», a-t-il écrit à l'intention de mon collègue Hugo Dumas et de Richard Therrien du Soleil. Au passage, il a traité de «frustrés» les deux critiques les plus nuancés et indulgents de son émission. Parce qu'ils ont osé écrire ce que plusieurs pensent depuis un moment? À savoir qu'eux aussi s'attendaient au pire?

En tirant ainsi sur les messagers, Claude Meunier, d'ordinaire si spirituel, a cruellement manqué d'humour. En réglant ses comptes en public avec des journalistes dont la tâche est de critiquer, en leur reprochant leur manque de «politesse» et de «savoir-vivre», il a démontré son incompréhension de leur métier. Un artiste de sa trempe qui s'attaque aux critiques en les traitant de «frustrés» - l'ultime cliché -, on ne voit plus ça non plus à notre époque.

Faudrait-il, par égard à son statut et à ses antécédents, ne jamais critiquer franchement le travail de Claude Meunier? Faire semblant que le Ti-Mé Show, une mauvaise idée mal rendue, donne un bon résultat? L'humoriste pourrait rire de tout mais le critique ne pourrait critiquer tous les humoristes? Ce juriste de formation aurait bien de la difficulté, à mon sens, à faire la preuve d'un quelconque acharnement à son endroit ou à l'égard de son type d'humour.

De façon générale, Meunier n'est pas à plaindre. Il a toujours joui de la confiance des bailleurs de fonds et de l'appui indéfectible de Radio-Canada, malgré une succession d'échecs depuis 10 ans. Parce que Claude Meunier est Claude Meunier, en raison de ses succès et de ses états de service, il a pu réaliser un film, Le grand départ, un navet, alors que des dizaines de jeunes réalisateurs de métier attendent leur tour.

Cela ne l'a pas empêché d'être de nouveau aux commandes de la réalisation d'Adam et Ève quelques années plus tard, avec le résultat désastreux que l'on sait. À la surprise quasi générale du milieu de la télé. A-t-on le droit de le dire? Ou faudrait-il seulement continuer à le chuchoter?

Bien sûr qu'il faut saluer le talent exceptionnel de Claude Meunier et son apport indéniable à la culture québécoise ces quatre dernières décennies. Mais essuyer les mauvaises critiques fait partie de son métier. Il a pu le constater à souhait depuis Détect Inc. Il mérite certainement mieux que la complaisance des journalistes.

Il a beau crier à l'acharnement et à l'impolitesse, il n'y a pas un seul critique de télé à ma connaissance qui ait jugé favorablement la première du Ti-Mé Show. C'est assez éloquent. 

Ce n'est pas, comme le prétend Claude Meunier, parce que les critiques ne comprennent pas ce qu'est une parodie de talk-show qu'ils n'ont pas aimé la sienne. Au contraire, ils connaissent très bien les Jon Stewart, John Oliver et autres Stephen Colbert de l'ère moderne. C'est peut-être justement ça, le problème.