Guy Édoin avait un sourire radieux. J'ai failli écrire «comme le soleil qui brillait sur la plage», mais ça ne se fait pas. C'est un cliché. Et pourtant c'est bien vrai. Il avait le sourire fendu jusqu'à la boucle d'oreille, hier, au cocktail annuel de la SODEC, au Pavillon du Québec du Festival de Cannes.

Le jeune cinéaste de Marécages a connu un printemps joyeux. La semaine dernière, il a appris à 15 minutes d'intervalle que la SODEC et Téléfilm Canada lui donnaient le feu vert pour le financement de son prochain long métrage, Ville-Marie, mettant en vedette Monica Bellucci. Et depuis vendredi, il participe à l'Atelier de la Cinéfondation à Cannes.

Guy Édoin est le tout premier Canadien à avoir été sélectionné pour participer à cet événement, créé en 2005 par le Festival de Cannes afin de favoriser le financement international de longs métrages.

Chaque année, l'Atelier choisit une quinzaine de cinéastes, sur la foi de la qualité de leurs projets et celle de leurs précédents films, et les invite au Festival afin de les mettre en contact avec des producteurs, des acheteurs et des distributeurs internationaux.

Édoin avait failli collaborer avec la Cinéfondation avec son film précédent, Marécages, en 2011. «Je m'étais rendu à Paris pour la sélection finale, mais je n'ai pas été retenu», m'a-t-il confié hier, tout juste extirpé d'un rallye de rencontres. «Ma productrice (Félize Frappier, de Max Films) est restée en contact avec le directeur de la Cinéfondation. On lui a envoyé le scénario à l'automne, je n'ai pas cessé de le retravailler par la suite et cet hiver on a eu la réponse favorable !»

LE MIRACLE BELLUCCI

Depuis vendredi, le réalisateur et sa productrice multiplient les rencontres à un rythme délirant, au coeur d'un tourbillon qui s'apparente à du «speed dating» entre professionnels du cinéma. «Je n'ai pas un moment de libre ! dit-il. On fait des rencontres d'une demi-heure, qui sont minutées à la seconde. Parfois, ça peut paraître long, mais la plupart du temps, on aimerait en avoir bien plus pour aller au bout de nos idées !»

C'est surtout le cas avec les producteurs qui arrivent bien préparés, qui ont lu le scénario de Ville-Marie et ont un réel intérêt pour le projet. Certains joueurs internationaux d'envergure l'ont déjà approché, encouragés sans doute par la feuille de route de Marécages, présenté à la semaine de la critique du Festival de Venise, en ouverture du Festival de Toronto et dans plus d'une soixantaine de festivals.

La soudaine vague d'intérêt, croit Édoin, semble surtout être l'annonce récente de la présence au générique de Monica Bellucci, dans le rôle d'une actrice française en tournage à Montréal. «J'ai écrit le scénario en ayant en tête une actrice de sa trempe, une star avec cette aura-là. J'en ai parlé à ma directrice de casting, qui a contacté son agent, et tout est allé très vite.»

Monica Bellucci a accepté le rôle aussitôt après avoir lu le scénario et rencontré Guy Édoin. «J'ai pris un vol pour Paris pour aller la voir, dit-il. Je lui avais envoyé auparavant une copie de DVD de Marécages qu'elle n'avait pas eu le temps de regarder. Elle a accepté tout de suite. Plus tard, elle m'a écrit pour me dire qu'elle avait beaucoup aimé le film et adoré le jeu des acteurs.»

Pascale Bussières, dans une autre des quatre histoires formant ce récit intrigant - dont le point d'ancrage est un hôpital du nom de Ville-Marie - , reprendra son rôle de mère agricultrice de Marécages. Ce deuxième long métrage, insiste le cinéaste, n'est pas pour autant une suite de son premier film.

«MINUIT MOINS UNE»

Guy Édoin doit participer à l'Atelier de la Cinéfondation jusqu'à mardi. Il n'ose pas le dire lui-même, pour ne pas sembler prétentieux - c'est plutôt moi qui le lui suggère - mais il y est davantage «en demande» que le contraire. «C'est une première expérience du genre pour ma productrice et moi. Le mandat que l'on s'est donné, c'est d'essayer de trouver un vendeur international et un coproducteur français.»

Ce ne sera pas simple. Le temps presse. Idéalement, Édoin souhaiterait tourner Ville-Marie dès l'automne prochain. «Il est minuit moins une pour le film, dit-il. À mon retour de Cannes la semaine prochaine, on commence le casting. J'ai hâte de rentrer dans mes terres, dans mon bois, et travailler sur mon découpage technique.»

Il refuse de céder à la fameuse pression du deuxième film, se donne le droit à l'erreur - «sinon, on ne prend plus de risques» - mais sent bien, depuis son arrivée à Cannes, que son projet prend forme de manière concrète et qu'il n'y a plus de temps pour l'hésitation.

«C'est assez particulier de parler autant d'un film qui n'est pas encore fait !» dit-il, souriant toujours. Il n'y a pas à dire, le soleil brille pour lui ces jours-ci. Comme sur la Croisette...