Shia LaBeouf a été pris la main dans le sac. Le jeune acteur américain, qui est de la distribution du sulfureux film de Lars von Trier Nymphomaniac, a réalisé un court métrage inspiré d'une bande dessinée... sans en demander la permission à son auteur.

HowardContour.com met en scène un personnage de critique de cinéma irascible qui rappelle non pas l'auteur de ces lignes, mais Justin M. Damiano, une bande dessinée de Daniel Clowes parue en 2007, dont l'intrigue et les dialogues sont étrangement similaires.

Or Shia LaBeouf a omis d'obtenir l'autorisation du célèbre bédéiste, auteur de Ghost World et d'Art School Confidential (portés à l'écran par Terry Zwigoff), pour cette «libre adaptation» de son oeuvre. Clowes a eu vent de l'existence de HowardContour.com en début de semaine, lorsque le film a été mis en ligne sur Vimeo, et a aussitôt affronté l'acteur-cinéaste en l'accusant de plagiat.

La réponse de LaBeouf est venue mardi par Twitter. L'acteur de 27 ans, devenu une star hollywoodienne grâce à Transformers et aux plus récentes aventures d'Indiana Jones, ne s'est pas défilé, s'excusant de cet «emprunt inopportun». Le hic? Ses excuses semblent elles-mêmes avoir été plagiées sur le site Yahoo! Answers...

«La reproduction n'est pas un travail particulièrement créatif. S'inspirer de l'idée de quelqu'un d'autre pour produire quelque chose de nouveau et de différent EST un travail créatif», a-t-il déclaré, reproduisant à la virgule près une apologie générique du plagiat disponible sur le web.

«Dans mon excitation et ma naïveté de cinéaste amateur, je me suis perdu dans le processus créatif et j'ai négligé de suivre la procédure appropriée. Je suis gêné de ne pas avoir demandé les crédits à Daniel Clowes pour sa bédé originale Justin M. Damiano, qui m'a inspiré», a-t-il ajouté, avant de s'excuser auprès de l'auteur. «J'ai merdé!» («I fucked up!»), a conclu Shia.

La mésaventure de LaBeouf pose plusieurs questions intéressantes. D'abord, son patronyme improbable est-il lui-même le résultat d'un plagiat (ou d'une dyslexie)? Ensuite, ses excuses sont-elles aussi sincères que celles de Rob Ford? Et enfin: comment a-t-il pu croire que personne ne se rendrait compte de ce subterfuge?

Le deuxième court métrage de Shia LaBeouf, très bien accueilli au Festival de Cannes où il a été sélectionné en 2012, traite ironiquement de déontologie journalistique. Tout comme The Company You Keep de Robert Redford (2012 aussi), dans lequel le jeune acteur incarne un reporter ambitieux aux prises avec des questions d'éthique. LaBeouf s'est d'ailleurs préparé pour le rôle en consultant et fréquentant des journalistes du Los Angeles Times.

Les procès traitant de questions de propriété intellectuelle sont faits d'infinies nuances. Si Daniel Clowes détient à l'évidence des arguments convaincants en sa faveur, dans l'éventualité d'une poursuite (il semble pour l'instant insatisfait des excuses de LaBeouf), il n'est pas garanti qu'il ait gain de cause devant les tribunaux.

Shia LaBeouf pourrait difficilement plaider l'ignorance dans les circonstances. Il s'est inspiré d'une oeuvre sans l'autorisation de son auteur, en toute connaissance de cause, sans s'en formaliser outre mesure.

Cela en dit long à mon sens sur le respect du droit d'auteur à une époque où l'accès aux oeuvres est plus simple que jamais, et où quantité de gens n'éprouvent pas l'ombre d'un scrupule à télécharger un album ou un film sans en payer le juste prix.

Que vaut une idée? Plus grand-chose, semble-t-il, pour plusieurs personnes qui estiment que la gratuité sur le web est un droit acquis, peu importe les droits bafoués et le manque à gagner des artistes. Quid de la rémunération équitable? Qu'est-ce qu'on s'en c...

On me traitera de mononcle, mais «dans mon temps», on nous rebattait les oreilles avec un slogan que je n'ai pas oublié: «Piquer, c'est voler.» Emprunter une idée sans en demander la permission à son auteur n'est pas un simple prêt. Le web n'est pas une bibliothèque. À moins que le plagiat ne soit devenu acceptable? Valeur intrinsèque d'une culture du commun faisant table rase de l'individualisme du passé? Ben oui...

Combien de fois ai-je entendu parler de concepteurs floués, dont les idées ont été reléguées dans la «filière spéciale» d'un producteur ou d'un diffuseur, voir leur projet renaître sous une forme légèrement modifiée, au profit d'autres créateurs, dans le merveilleux monde de la télé?

Et combien de fois, de manière plus anodine certes, ai-je surpris de jeunes journalistes, sur le web surtout, mais aussi dans les médias électroniques, répéter quasi mot à mot des articles parus ailleurs, sans en donner la source ni le crédit? Savent-ils seulement que cela va à l'encontre de règles déontologiques élémentaires? Peut-être pas.

Peut-être que les nouvelles idées chassent tellement vite les anciennes - quelques secondes à peine sur les réseaux sociaux - que l'on n'arrive plus tout à fait à distinguer les nôtres de celles des autres? Peut-être que l'on relaie tellement d'information dans une journée que l'on ne voit plus clair dans la brume médiatique? Où ai-je lu ça déjà? Est-ce moi qui l'ai écrit? Ce doit être moi qui l'ai écrit...

Peut-être qu'on finit même par s'en convaincre.