C'était écrit dans le ciel. Il y aura bientôt un film réalisé sur la vie du coureur cycliste Lance Armstrong. Hollywood aime les histoires de héros déchus, même quand il ne semble pas y avoir de happy end à la clé.

Le milieu du cinéma n'a pas tardé à profiter de l'intérêt suscité par les «aveux» d'Armstrong à l'animatrice Oprah Winfrey la semaine dernière. Entre les demi-confessions de dopage du cycliste, le jeudi soir, et ses quasi-remords d'avoir dupé tout le monde, incluant ses enfants, 24 heures plus tard, la compagnie de production de J.J. Abrams (Lost, Star Trek) et les studios Paramount ont acquis les droits d'adaptation cinématographiques d'une biographie à paraître en juin sur le septuple champion du Tour de France.

On est opportuniste ou on ne l'est pas. Le film, qui pourrait être réalisé par J.J. Abrams lui-même, sera inspiré de l'ouvrage de la journaliste du New York Times Juliet Macur, Cycle of Lies: The Fall of Lance Armstrong (Le cycle des mensonges: la chute de Lance Armstrong).

La biographe, une journaliste qui a couvert la carrière de Lance Armstrong pendant 10 ans, s'intéressera au combat contre le cancer de l'ex-maillot jaune, à son exceptionnelle récolte de sept Tour de France, et à sa mise au ban après la démonstration sans équivoque de ses multiples mensonges et subterfuges. Le livre, sur lequel l'éditeur Harper Collins a déjà misé une somme considérable, promet aussi de lever le voile sur la vie privée d'Armstrong. Ceci expliquant sans doute l'intérêt de ceux-là.

On ne connaît pas encore le titre du projet cinématographique. La chute, pourtant de circonstance, a déjà été utilisé récemment pour parler de Hitler. Disgrâce, un autre titre approprié, a coiffé il y a quelques années l'adaptation au cinéma de l'excellent roman de J.M Coetzee. Mais plusieurs noms d'acteurs ont déjà été évoqués dans la presse hollywoodienne pour incarner Armstrong à l'écran, dans ce biopic aux multiples rebondissements.

Bradley Cooper a fait savoir qu'il était intéressé, et les noms de Christian Bale, Michael Fassbender, Matthew McConaughey et Jake Gyllenhaal circulent, semble-t-il, dans les arcanes. Un précédent projet, d'après un scénario à la fin plus heureuse, a été abandonné l'an dernier par Sony Pictures. Cautionné par Armstrong, ce film à la gloire d'un survivant du cancer devenu champion cycliste, devait être réalisé par Gary Ross (The Hunger Games) et mettre en vedette Gyllenhaal, devenu un ami d'Armstrong.

C'était bien sûr avant les conclusions de l'enquête de l'Agence antidopage américaine et les déclarations, sur le plateau d'Oprah Winfrey, d'un menteur professionnel qui aimerait nous faire croire qu'il a couru à l'eau claire, et terminé troisième du Tour de France, lors de son retour à la compétition en 2009. Ben oui, mon Lance, me semble...

Il n'y aura pas seulement bientôt un long métrage de fiction pour relater la vie de hauts et de bas, comme une étape de montagne, de Lance Armstrong, mais aussi un documentaire ainsi que plusieurs nouveaux livres. Ceux déjà en circulation ont d'ailleurs été rangés au rayon fiction par un libraire australien!

Sans doute le plus attendu des essais à propos d'Armstrong, Seven Deadly Sins du journaliste britannique David Walsh, sur les traces du cycliste américain depuis 15 ans, sera publié mardi en anglais. Walsh, qu'Armstrong a qualifié de «pire journaliste que je connaisse», a fait les frais de la vendetta judiciaire de l'entourage de l'ancien patron du peloton du Tour de France et ne ratera certainement pas l'occasion de rafraîchir la mémoire d'Armstrong, par moments défaillante lors de ses confessions télévisées.

Le cinéaste Alex Gibney, oscarisé pour son film sur la firme Enron, prépare de son côté un documentaire sur Lance Armstrong. Le documentariste avait suivi Armstrong en France pendant son retour à la compétition il y a quatre ans. Il aura à faire quelques ajustements, à la lumière des derniers événements, et souhaite la collaboration du champion déchu.

La question que l'on peut se poser, c'est si Lance Armstrong tirera profit de tous ces projets, d'une manière ou d'une autre. Je me demande encore, comme bien d'autres psychologues de salon, quel intérêt il avait à déballer (en partie) son sac sur le plateau d'Oprah Winfrey. Il n'a semble-t-il pas été payé pour cette entrevue, formidable opération de marketing pour la chaîne OWN (Oprah Winfrey Network), qui bat de l'aile depuis son lancement il y a deux ans.

Armstrong, tellement empêtré dans ses contradictions que je le soupçonne de ne plus distinguer le mensonge de la vérité, cherche-t-il la sympathie du public? Selon les sondages, sa cote de popularité a chuté comme jamais après la diffusion de l'émission. Espère-t-il, comme il l'a laissé entendre, une réduction de sa sentence qui lui permettrait de participer à de nouveaux triathlons? Ou de courir le marathon de Chicago à 50 ans?

Il doit rester assez d'argent dans les coffres d'Armstrong pour qu'il paie, s'il le faut, assez de coureurs d'élite pour s'organiser son propre marathon, où bon lui semble. Mais il ne lui reste pas assez de capital, de sympathie ou en espèces sonnantes et trébuchantes, pour se redonner le moindre vernis de crédibilité.