La politique, malheureusement, se résume souvent à des questions d'apparences et de perceptions. L'explication est sans doute simpliste, mais si Barack Obama a craint au début du mois de novembre de ne pas être réélu, c'est en partie parce qu'il a eu la mauvaise idée de s'endormir debout, un soir de débat télévisé avec Mitt Romney.

S'il est une chose qui se remarque très vite, et qui s'illustre tout aussi facilement, c'est le manque de cohérence. Loin de moi l'intention de lancer une nouvelle pierre à l'édifice de verre que représente l'actuel gouvernement péquiste, mais à force d'incongruités, on se demande vers où vogue cette galère.

Après avoir promis des millions de dollars d'investissements en culture pendant la dernière campagne électorale, le Parti québécois a prétexté quelques acrobaties comptables - attribuables au gouvernement précédent - pour expliquer la disparition inopinée des fonds soi-disant disponibles un mois plus tôt. Pouf! On se croirait au Cirque. Sans le soleil.

Il y a un mois, le ministre de la Culture et des Communications, Maka Kotto, m'expliquait, à la veille du dépôt du budget Marceau, les raisons pour lesquelles les investissements promis en culture seraient remis à plus tard. «La situation financière du gouvernement du Québec est très préoccupante, m'a-t-il dit. Un effort est demandé à chaque ministère. Personne ne sera épargné. Je me dois d'être transparent.»

Un mois plus tard, on apprend, grâce à la collègue de La Presse Canadienne Jocelyne Richer, que le ministre Kotto, contre l'avis de ses fonctionnaires qui jugeaient la dépense superflue, a convoqué à Montréal ses 22 conseillers en poste dans les délégations du Québec à l'étranger.

Une rencontre qui a coûté 64 000$, soit l'équivalent de 153 nuitées à l'hôtel, deux dizaines de billets d'avion, des repas et autres dépenses afférentes. Pour des résultats peu probants, selon l'un des participants, qui a noté que le ministre n'avait rien de particulier à annoncer.

Ce n'est pas une fortune, 64 000$. Que l'on me comprenne bien. Et que l'on ne m'accuse pas de jouer le jeu des démagos ou des libéraux, trop contents de voir leurs rivaux péquistes se mettre les pieds dans les plats à la moindre occasion, comme dans un vieux film de Pierre Richard.

Je n'ai rien contre Maka Kotto, qui a à coeur la situation des artistes et me semble être quelqu'un de fort sympathique. Je le dis franchement, la situation pourrait être pire. Yves-François Blanchet, qui, lui, manque cruellement de jugement, avait aussi été pressenti pour le ministère de la Culture.

Je ne sais pas si la brève rencontre du ministre avec les délégués a vraiment été inutile, ni si les sommes dépensées pour rapatrier tout ce beau monde ont bel et bien été gaspillées. Je suis le premier à défendre l'investissement public en culture et les mesures prises afin de soutenir l'exportation de nos productions culturelles.

Mais lorsqu'on se permet de faire la leçon sur la saine gestion des fonds publics, qu'on se targue de vouloir dépenser l'argent des contribuables de manière responsable et qu'on dit à certains organismes culturels qu'ils ne pourront recevoir d'aide gouvernementale parce qu'un «effort est demandé de tous», la moindre des choses est de prêcher par l'exemple.

Le ministre Kotto n'a pas fait la preuve de la nécessité de sa rencontre avec ses délégués. Les circonstances particulières du début de mandat du gouvernement Marois lui commandaient pourtant une extrême prudence. Ce qui ne sous-entend pas, à mon sens, de remettre à l'ordre du jour, contre l'avis de ses fonctionnaires, une réunion qui avait été annulée par le gouvernement précédent. Ce gouvernement libéral dont les péquistes se plaisent à dire qu'il dilapidait les deniers publics sans y réfléchir à deux fois.

Le ministre Kotto, rabroué hier par son collègue et vice-premier ministre François Gendron, se défend bien sûr d'avoir pris une mauvaise décision. Les dépenses encourues respectent les normes, dit-il, et sa sous-ministre lui a assuré qu'il disposait de la marge de manoeuvre financière nécessaire au rétablissement de cette rencontre. La marge de manoeuvre financière, peut-être, mais la marge de manoeuvre politique?

Le succès en politique, disais-je, est souvent question d'apparences et de perceptions. De cohérence aussi. Principes qui semblent échapper à ce gouvernement, en quête désespérée de légitimité.