Au quartier général du Festival du nouveau cinéma (FNC), à l'Agora du pavillon des sciences de l'UQAM, Claude Chamberlan guette la sonnerie de son nouveau téléphone portable. Sa fille vient d'accoucher et il attend son appel pour se rendre à l'hôpital, à la rencontre de sa petite-fille. Elle s'appelle Lou. Une «petite louve». Ça ne s'invente pas.

Le cofondateur et directeur artistique du Festival du nouveau cinéma, dont l'emblème est depuis toujours la louve, est fier de la programmation de ce 41e FNC, qui s'est ouvert hier soir avec la présentation en primeur de La mise à l'aveugle de Simon Galiero, et qui roulera jusqu'au 21 octobre.

Il est difficile de soutirer à ce conteur-né, à l'esprit aussi foisonnant qu'échevelé, une sélection de films «préférés», tant il déborde de superlatifs pour qualifier l'ensemble de sa programmation (quelque 290 films provenant de 52 pays). «Je ne veux pas en choisir certains au détriment d'autres. Et je ne peux pas parler de la compétition!», dit-il d'entrée de jeu. Je l'ai contraint à huit choix - sans trop qu'il ne s'en rende compte...

Tous cobayes? de Jean-Paul Jaud

Le troisième long métrage du Français Jean-Paul Jaud, qui traite des OGM agricoles, pose la question suivante: «Sommes-nous tous des cobayes des multinationales?» La conclusion, selon Claude Chamberlan, «fait peur». Film politique, ouvertement militant, narré par l'acteur Philippe Torreton, Tous cobayes? fait écho à l'enquête secrète et controversée (sur l'effet des OGM sur des rats) réalisée récemment par le professeur Gilles-Éric Séralini. Le documentaire s'inquiète aussi des effets sur l'agriculture de l'accident nucléaire de Fukushima et de l'influence sur les terres agricoles de multinationales spécialisées dans les organismes génétiquement modifiés, au Sénégal, en France et ailleurs. «C'est une grande enquête, dit Claude Chamberlan. Un film important, qu'il faut absolument voir, malgré son petit côté didactique.»

Boredom d'Albert Nerenberg

Peut-on littéralement mourir d'ennui? se demande le journaliste et documentariste canadien Albert Nerenberg. «Dans son documentaire, Nerenberg fait la démonstration que l'ennui est l'une des principales causes du stress et du cancer, dit Claude Chamberlan. Nous sommes de plus en plus souvent assis, devant un ordinateur. Son message, c'est: levez-vous!» Un film qui, selon Chamberlan, marie habilement l'humour et les réflexions de chercheurs qui se sont penchés sur ce «mal du siècle».

Life of Pi d'Ang Lee

Après des années de tentatives infructueuses, le célèbre roman du Québécois Yann Martel a finalement été porté à l'écran, par nul autre qu'Ang Lee (Brokeback Mountain, Tigre et dragon). Des défis techniques - le film a été tourné en 3D - et stratégiques font en sorte que sa première canadienne au FNC relève de l'exploit. Le film a pu être intégré à la programmation au dernier moment, après de multiples efforts et grâce au concours de Yann Martel lui-même, qui est intervenu personnellement auprès de la Fox, à Hollywood, au nom du Festival. «Les majors nous traitent malheureusement souvent comme un marché de troisième zone, affirme Claude Chamberlan. J'ai présenté les premiers films d'Ang Lee, mais depuis qu'il a intégré le système des studios, c'est devenu trop compliqué. J'espère que cette collaboration de Fox sera un précédent qui permettra d'ouvrir une brèche.»

Stories We Tell de Sarah Polley

«Lorsque Sarah est venue présenter Away From Her au Festival, en 2006, elle a fait une rencontre déterminante. Elle a appris que son père biologique était le producteur de film montréalais Harry Gulkin. Je m'en souviens très bien. J'y étais, avec les deux, devant le café Méliès, juste avant la présentation de son film.» L'actrice et cinéaste torontoise (Take This Waltz), pressentant que son secret de famille serait bientôt éventé par la presse, a pris les devants. Stories We Tell, présenté à Venise et à Toronto en septembre, est un film inspiré de cette histoire de famille.

Au-delà des collines de Cristian Mungiu

«C'est un film magnifique», dit Claude Chamberlan à propos d'Au-delà des collines du Roumain Cristian Mungiu, prix du scénario et d'interprétation féminine au plus récent Festival de Cannes. Il a bien raison. Mungiu, qui nous avait offert le troublant 4 mois, 3 semaines et 2 jours, Palme d'or 2007, s'intéresse à la réunion de deux jeunes femmes dans un monastère orthodoxe de la campagne roumaine. Le résultat, à la fois fougueux et contemplatif, est fascinant.

La mise à l'aveugle de Simon Galiero

Révélé par l'énigmatique Nuages sur la ville, en 2009, le Québécois Simon Galiero propose un deuxième long métrage, La mise à l'aveugle, à propos d'une retraitée (Micheline Bernard) qui devient dépendante au jeu. «Un coup de coeur», dit Claude Chamberlan, qui en a fait le film d'ouverture du Festival.

The Angel's Share de Ken Loach

«Je suis tombé sous le charme. J'ai adoré ça», dit Chamberlan à propos du plus récent film de Ken Loach. Il n'est pas le seul. Cette franche comédie, absolument sympathique, autour d'une bande de cambrioleurs loufoques et de l'objet de leur convoitise, un cru extrêmement rare de whiskey, a valu au cinéaste britannique le Prix du jury au dernier Festival de Cannes. Du bonbon.

Casting By de Tom Donahue

«Une amie a rencontré Tom Donahue à Cannes alors qu'il n'avait pas un rond, il y a une dizaine d'années, et lui a offert des billets pour une soirée gala. C'est grâce à elle si on a pu mettre la main sur ce très beau film!» Un film en forme d'hommage à la directrice de casting Marion Dougherty, pionnière dans son domaine, qui a entre autres «découvert» James Dean. Avec notamment Robert De Niro, Clint Eastwood, Al Pacino, Woody Allen et John Voigt. Une belle distribution.