Elle a un sens aigu de la pop. Elle sait, elle a toujours su, bien s'entourer. Elle réussit, depuis 30 ans, à aligner les succès.

Je ne suis pas un détracteur de Madonna. La pochette de Like a Virgin a éveillé quelque chose en moi dès le plus jeune âge. Hollywood, Ray of Light, Music, Hung up, de plus récente mémoire, se sont retrouvées dans mes listes de chansons pour courir.

Je n'ai rien contre Madonna. Même s'il est vrai que lors de notre seule rencontre, je ne sais plus pour quel mauvais film à la fin des années 90, je l'avais trouvée ennuyeuse comme la pluie de Londres, où elle avait élu domicile et emprunté un semblant d'accent cockney.

La star était arrivée avec une demi-heure de retard à notre rendez-vous, dans la suite d'un hôtel new-yorkais, sans s'en excuser. Comme si, au vu de sa célébrité, cela allait de soi. Elle avait trouvé la rédemption immatérielle dans l'hindouisme et le yoga. C'était avant son virage vers la kabbale et son flirt avec l'ésotérisme judaïque. Je ne l'avais pas trouvée particulièrement spirituelle.

Non, je ne paierais pas 372$ pour voir Madonna ce soir au Centre Bell. Je ne paierais même pas 59,50$ (le billet le moins cher). Pas parce qu'elle risque d'être en retard de trois heures, comme en début de semaine à Philadelphie. Ni parce qu'elle pourrait écourter son spectacle, comme elle l'a fait récemment à l'Olympia de Paris.

Je ne paierais pas pour voir Madonna, notamment parce que je ne suis pas friand des spectacles dans les grands amphithéâtres. Et parce que je ne m'intéresse pas assez à elle pour écouter MDNA, son 12e album, qui a plutôt déçu la critique sans susciter davantage d'enthousiasme chez ses admirateurs.

La Material Girl prétend qu'elle «vaut» le prix prohibitif de ses billets de spectacle (qui coûtaient déjà 250$ en 2001 et 350$, il y a six ans, au Centre Bell). Si son spectacle est à l'image de la prestation navrante qu'elle a livrée à la mi-temps du dernier Super Bowl, permettez que j'en doute.

Exiger 372$ de son public pour chanter sur une bande préenregistrée, voilà qui frôle à mon sens l'indécence. Je veux bien qu'elle danse profusément, Madge, mais est-ce bien une excuse pour qu'elle chante en «playback» ? Il me semble que lorsqu'on paie 372$ pour entendre une chanteuse, la moindre des choses est qu'elle chante. Pour vrai, pas en faisant du lipsynch ni en corrigeant sa voix grâce à un logiciel.

Elle a toujours été appuyée par les meilleurs collaborateurs dance-pop ou électro du moment (William Orbit, entre autres). Elle connaît les ingrédients du succès et de la longévité. Mais le drame de Madonna, c'est qu'elle ne sait pas très bien chanter. Il faut l'entendre pousser la note a cappella pour se rendre compte du malentendu.

Évidemment qu'on ne s'intéresse pas aux chansons de Madonna pour la qualité de sa voix ni pour l'éloquence de ses textes. Mais tant qu'à payer 372$ pour un spectacle son et lumière avec des danseurs qui exécutent à peu près les mêmes chorégraphies qu'en 1987, j'aime autant regarder les feux d'artifice de La Ronde en direct du Vieux-Port, en écoutant Holiday sur mon iPod.

J'exagère à peine. Il faut dire aussi que je suis un peu las des provocations de Lady Madonna. En multipliant les déclarations-chocs et les références équivoques à la religion, au sexe et à la politique, elle tire depuis longtemps dans tous les sens, au propre comme au figuré (elle brandit faux revolver et mitraillette sur scène), pour des résultats qui ne sont pas toujours heureux.

Assez pour que l'on se demande si elle n'a pas joué sa dernière carte. Devenue une caricature d'elle-même, l'artiste outrancière d'hier en est réduite au rôle de femme d'affaires aguerrie qu'elle a toujours été. Une spécialiste de la mise en marché, qui s'assure par quelques coups d'éclat incendiaires d'une couverture médiatique décuplée.

À 54 ans, Madonna est un peu l'équivalent pop au féminin des Rolling Stones. Une chanteuse sur le déclin, dont les disques ne se vendent plus bien, qui engrange les millions aux guichets grâce à un fonds de commerce essentiellement nostalgique. Reste l'icône pop, figure mythique du showbiz international et du girl power occidental, qui s'offre en spectacle. Mais à quel prix!