Souvent présente, voire déterminante, dans les récentes campagnes électorales fédérales, la culture ne devrait pas jouer un rôle prépondérant dans la campagne provinciale qui s'amorce. Entre les débats sur la corruption et la hausse des droits de scolarité, le milieu culturel ne s'attend pas à ce que les questions de culture occupent beaucoup d'espace médiatique au cours du prochain mois.

Ce qui ne veut pas dire qu'il n'y a pas d'enjeux culturels primordiaux auxquels devraient s'intéresser les candidats des différents partis. Si les questions culturelles ne risquent guère d'alimenter les débats en prévision du scrutin du 4 septembre, c'est que les partis semblent s'entendre sur l'importance de la culture et du financement de la culture, peu importe les allégeances et la position des uns et des autres sur l'échiquier politique.

Alors que le gouvernement conservateur, qui ne cesse de sabrer les programmes culturels depuis qu'il est au pouvoir, soulève régulièrement l'ire de l'ensemble des artistes et organismes culturels québécois, la campagne électorale actuelle n'inquiète pas le milieu des arts outre mesure. Ce qui ne veut pas dire que tout est rose.

«Au Québec, contrairement à bien d'autres endroits dans le monde, il existe parmi les partis politiques un relatif consensus sur le fait qu'il n'est pas question de régler les problèmes budgétaires en s'attaquant à la culture, remarque Simon Brault, président fondateur de Culture Montréal et vice-président du Conseil des arts du Canada. C'est un consensus qui intéresse et étonne beaucoup les intervenants des forums internationaux auxquels je participe.»

Simon Brault, qui a épluché les programmes des partis provinciaux en matière de culture, estime que les distinctions à faire entre les propositions du PLQ, du PQ, de la CAQ et de Québec solidaire restent ténues et s'apprécient dans leurs nuances.

« Il n'y a pas de recul au Québec, contrairement au fédéral, dit-il. Tous les partis reconnaissent que les institutions et les instruments culturels sont importants. Il y a peu de variation dans leur discours sur la culture ou la langue. Ils pourraient se démarquer, par exemple, dans leur volonté et leur capacité de s'éloigner d'un discours affairiste et clientéliste. Le gouvernement actuel donne beaucoup d'argent aux producteurs de grands festivals, mais néglige des questions moins glamour comme les ateliers d'artistes.»

C'est dans le financement de la culture que les partis pourraient surtout se distinguer les uns des autres, croit aussi Solange Drouin, directrice générale de l'ADISQ. «On a raison de parler d'éducation et de santé, mais il faut aussi parler de culture, qui a aussi besoin d'investissements importants, dit-elle.

Si on n'investissait pas dans le cinéma québécois et qu'on se fiait aux règles du marché, on n'aurait pas de cinématographie. Dans l'industrie du livre ou de la musique, qui ne profite pas d'un soutien aussi important, il va aussi falloir donner un coup de barre, entre autres dans l'aide à la commercialisation, si on ne veut pas régresser de 30 ans. Protéger les acquis, ce n'est pas suffisant. Il faut agir.»

La culture ne sera sans doute pas un enjeu majeur de la campagne électorale qui se profile, mais pour qu'elle ne soit pas complètement évacuée des débats, à quels enjeux les différents partis devraient-ils s'intéresser ? À quoi s'attendre du prochain gouvernement ?

« On s'attend à beaucoup de participation du Québec dans les enjeux fédéraux, dit Solange Drouin. Même s'il s'agit de questions de juridiction fédérale, il faut occuper le terrain. Il faut aussi se donner de nouveaux moyens collectifs de financement.»

L'éducation culturelle est aussi une question que Simon Brault aimerait voir apparaître dans le programme des différents partis. « C'est un enjeu fondamental, croit le directeur de l'École nationale de théâtre. Le Québec sera incapable de maintenir la fréquentation de sa production culturelle s'il n'y a pas d'éducation en ce sens sur les bancs des écoles primaires et secondaires. Le public ne se renouvelle pas. Le Québec s'illusionne s'il croit qu'un bon budget et un bon ministère sont suffisants pour assurer l'avenir de notre culture. »

Ce n'est pas pour être cynique, mais je doute qu'entre le crêpage de chignon des chefs et autres épluchettes de blé d'Inde, on en arrive à discuter de telles questions. En espérant que j'aie tort.

Le poil à gratter

Gore Vidal, mort mardi à 86 ans , fut l 'amant de Tennessee Williams et de Jack Kerouac, un ami des Kennedy et de Truman Capote, un romancier et un scénariste (entre autres du sulfureux Caligula), un aspirant politicien, un snob autoproclamé, un polémiste invétéré et un démocrate controversé, qui a dénoncé sans relâche l'interventionnisme des États-Unis (même pendant la Deuxième Guerre mondiale). Un personnage qui a nourri sa légende, à force de jouer son rôle de poil à gratter. On en prendrait bien d'autres comme lui.