J'ai vu À vos marques... Party! cette semaine. Ouille. Vous me direz qu'il est normal que cette production, élaborée à l'extérieur du cadre institutionnel (le projet fut refusé par Téléfilm et par la SODEC), ne me touche d'aucune façon. Après tout, ce film n'est pas du tout destiné aux critiques, ni même à ceux qui ont déjà quitté l'âge de la préadolescence. N'empêche.

Je veux bien qu'on s'approprie un créneau qui, depuis des années, est l'apanage des Américains. Encore faut-il pour cela offrir un produit à la hauteur de nos ambitions. Or, le film de Frédérik D'Amours est un ersatz sans intérêt dont les dialogues semblent avoir été écrits par une écolière de bonne famille.

Et c'est bien cela qui me trouble le plus. Ce film illustre à la perfection l'espèce de condescendance - même inconsciente - dont font preuve certains adultes (dans ce cas-ci les scénaristes) quand ils essaient de faire écho à la réalité des jeunes. Il en résulte une vision sublimée qui relève finalement plus du fantasme qu'autre chose.

Je n'ai en tout cas pas reconnu là-dedans la société dans laquelle je vis, pas plus que celle dans laquelle les ados évoluent. À vrai dire, j'ai parfois eu l'impression de retourner dans le Québec d'il y a 30 ans. Le cadre dans lequel s'agitent les personnages d'À vos marques... Party! ne reflète pratiquement jamais la diversité qui nous caractérise sur le plan ethnique, culturel, social ou sexuel.

Dans ce film, l'école ne semble être fréquentée que par de bons Québécois blancs de souche, qui partagent tous, ou à peu près, le même profil. La différence exotique est incarnée par une jeune banlieusarde qui revient de Paris avec un léger accent français, c'est dire. Oubliée la fureur de vivre, la «belle jeunesse» exposée ici dans toute sa splendeur hormonale est exempte de tout défaut de fabrication. Elle n'«utopise» pas, ne «romantise» pas, ne rue pas dans les brancards, et rumine en son for intérieur le discours lénifiant du futur propriétaire de bungalow. Bon sang que c'est déprimant.

À force de vouloir cibler à tout prix le groupe des 13-16 ans en lui présentant des modèles qui charrient «de belles valeurs», on en vient à perdre un peu le sens de la réalité sur le flanc droit, tout autant que le sens du romanesque sur le flanc gauche. On accouche finalement d'un truc de facture télévisuelle, tapissé de bonnes intentions et - bonjour la distinction culturelle - de chansons anglaises. Pour tout dire, les ficelles sont tellement grosses que je crains fort qu'elles n'obstruent la vue à ceux-là même qu'on espère attirer dans les salles avec ce film.

Là réside à mon sens l'erreur la plus grave. Pensez-vous vraiment que Tina Fey, la scénariste de l'excellent Mean Girls (le film qui a visiblement servi de modèle à ce Party) écrit pour un public ciblé d'avance quand elle prend la plume? Bien sûr que non. Elle s'inspire d'une étude sérieuse (Queen Bees and Wannabes, essai écrit par la pédagogue Rosalind Wiseman) et invente ensuite un univers qui a de la gueule, du mordant, et qui sait aussi faire écho à de vraies préoccupations.

John Hughes, qui a marqué les ados des années 80 avec des films comme Sixteen Candles ou The Breakfast Club, a aussi su dessiner de vrais personnages pour ensuite les faire évoluer dans un contexte réaliste. Je suis également convaincu que Tom Schulman, le scénariste de Dead Poets Society, n'a jamais eu l'impression d'écrire un «film pour ados», bien que le film de Peter Weir ait vite atteint un statut culte auprès de cette clientèle-là. Autrement dit, ces créateurs n'ont pas orienté leur travail en fonction d'un groupe cible particulier. D'où leur attrait universel.

Vous me direz que le cinéma hollywoodien ne produit pas que des chefs-d'oeuvre et qu'après tout, nous avons bien le droit d'exploiter un genre qui risque de mettre un peu de beurre sur nos épinards. Et vous aurez raison. D'ailleurs, À vos marques... Party! devrait connaître, en principe, un assez joli succès commercial, ne serait-ce qu'à cause du fait que les artisans ont fait appel à des acteurs ayant déjà acquis une notoriété dans les Ramdam de ce monde. Et ce, même si, à l'évidence, plusieurs d'entre eux sont beaucoup trop vieux pour leur rôle.

Cela dit, ce n'est pas parce que les Américains polluent nos écrans avec leurs niaiseries que nous sommes obligés de les imiter.