La réponse s'est faite si cinglante qu'on aurait cru entendre Mado Lamotte en mode SPM. Le réalisateur de Hairspray , Adam Shankman, a répondu officiellement cette semaine à l'appel au boycottage qu'a lancé il y a quelques semaines l'éditeur du Washington Blade , une publication destinée à la communauté gaie.

Qualifiant la réclamation de «l'une des plus idiotes sur la planète», le réalisateur enchaîne en affirmant que John Travolta, l'une des stars de son film, n'a rien d'un homophobe. «Tous les artisans de Hairspray sont gais! a-t-il déclaré. Je le suis, les scénaristes le sont, le compositeur l'est, John Waters tous gais! Je ne crois pas que John ait un problème avec ça!»

La colère de Shankman est compréhensible. Car ce qui a commencé comme une attaque plutôt marginale a maintenant été relayée par les grands médias américains. La raison de tout ce brouhaha? Deux choses, selon Kevin Naff, l'éditeur du Blade . D'abord, le fait que des gens aient seulement pensé à concevoir une nouvelle version de Hairspray constitue un sacrilège à ses yeux. Que le rôle d'Edna, créé dans le film original de John Waters par Divine, soit aujourd'hui repris par un acteur qui, contrairement au gros travesti, n'a rien de l'icône gaie, dépasse déjà l'entendement. Naff s'empresse aussi d'ajouter que John Travolta est un éminent «scientologiste». Or, cette «secte», qui est acceptée comme une religion dans certains pays (dont le Québec), est selon lui homophobe. L'église de scientologie, affirme-t-il, n'accepte pas les gais et lesbiennes en ses rangs et propose même des programmes de «guérison» de l'homosexualité. En conséquence, il faut conclure que Travolta est homophobe. Forcément. Et son film ne mérite rien de moins qu'une condamnation.

Wow!

Les raccourcis intellectuels que prennent certaines personnes pour nourrir leur paranoïa me fascinent (ou m'inquiètent, c'est selon). Tant qu'à y être, pourquoi ne pas boycotter tous les films mettant en vedette des comédiens qui pratiquent la religion catholique? Que dit la Sainte Église sur la place des gais en son sein by the way ?

Cela dit, cette histoire de boycottage amène quand même une question intéressante. À partir de quel moment les convictions personnelles d'un artiste viennent-elles altérer son image publique? Travolta a beau être un «éminent scientologiste» et parler ouvertement de ses convictions religieuses quand on le lui demande, je ne l'ai jamais entendu faire une déclaration choquante ou déplacée. L'acteur n'est pas du genre à porter sa religion en bandoulière. Tout le contraire de Tom Cruise. Qui, lui, est en train de payer cher son coming out religieux.

Depuis quelques années, Cruise a fait de ses croyances en l'église de la Scientologie un fer de lance et les utilise pratiquement comme porte-drapeau. Il profite de toutes les tribunes pour en faire la promotion, parfois même de façon agressive. Il n'y a qu'à revoir cette fameuse entrevue en compagnie de l'animateur Matt Lauer du Today Show pour constater que la star prend la chose vraiment très au sérieux.

Et c'est là, je crois, qu'est tracée la frontière. La carrière d'un type comme Tom Cruise, tout comme celle de Mel Gibson (pour d'autres raisons), risque de beaucoup souffrir parce que ses déclarations publiques suscitent la controverse. Mais cela n'est pas le cas de toutes les vedettes. Vais-je m'empêcher d'aller voir les films de Bruce Willis parce qu'il est républicain? Ceux de Ben Affleck parce qu'il est démocrate? Non. Si je n'y vais pas, c'est aussi, peut-être, parce que leurs films ne me font pas marcher sur l'eau

À mon humble avis, il n'y a pas de raison de boycotter Hairspray . D'abord parce que le film est réjouissant. Ensuite, cette comédie musicale pétillante a l'aval de John Waters. Ce dernier agit ici à titre de producteur délégué et nous gratifie même d'une apparition délicieuse. Si le créateur original s'est remis de la mort de Divine, il serait peut-être temps que d'autres en fassent autant