Le directeur marque assurément une étape dans la carrière de Lars von Trier. Le cinéaste danois avait d'ailleurs officiellement annoncé l'an dernier son intention de faire désormais les choses autrement.

Il compte en outre s'attaquer à des projets de facture plus modeste, auxquels il pourrait consacrer une période de préparation plus longue. Il a aussi manifesté le désir de réduire l'ampleur de ses lancements en cherchant à joindre d'abord les premiers admirateurs de son cinéma.

«Cela m'a fait un bien immense de lancer Le directeur chez moi plutôt qu'à Cannes, nous avait-il déclaré au lendemain de la présentation de son film, en première mondiale, au Festival de Copenhague. Rappelons que The Boss of it All (le titre international du film) a aussi été présenté en première nord-américaine au Festival du nouveau cinéma de Montréal.

Pour atteindre cette plus grande marge de manoeuvre, Von Trier et son associé Peter Aalbaek Jensen ont décidé de vendre l'an dernier la moitié des parts qu'ils détenaient dans la société de production Zentropa. Le cinéaste s'est aussi séparé de la productrice Vibeke Windelov, avec qui il travaillait depuis plus de 10 ans.

Comme un couple

«La dynamique qu'il y avait entre nous ressemblait à celle d'un couple, expliquait Von Trier l'an dernier au cours d'une interview accordée à La Presse. Après 10 ans de mariage, nous avons décidé, d'un commun accord, de nous séparer. Il fallait prendre une pause car nous en étions rendus à nous connaître trop bien. À un moment donné, cela ne fait que compliquer les choses !»

Rencontrée l'an dernier au Festival des films du monde de Montréal, où elle était membre du jury, la productrice confirmait cette version des faits. Cela dit, cette relation, qui s'est étalée de Breaking the Waves jusqu'au Directeur, fut pour le moins féconde.

«Produire un de ses films est très stimulant car Lars a une vision très précise de ce qu'il souhaite faire, explique Vibeke Windelov. Je crois que l'une des plus grandes forces de Lars est de toujours avoir su se renouveler. Il s'est servi des obstacles qui se sont posés sur sa route pour nourrir sa création.»

Des choix singuliers

Elle admire aussi cette capacité d'imposer des choix plus singuliers. «Lars n'a jamais fait ses choix en fonction de ce que le public voudrait voir ou entendre. Par contre, il s'est toujours assuré que sa narration soit compréhensible sur le plan dramatique.»

Même son de cloche du côté de Jean-Marc Barr, qui, après avoir tenu le rôle principal dans Europa, s'est retrouvé à camper des rôles secondaires dans tous les films du cinéaste (Les idiots mis à part).

«Je me retrouve complètement dans la démarche de Lars, déclarait l'acteur au cours d'une interview accordée à La Presse au Festival de Copenhague. Ma vie n'aurait pas été la même sans lui de toute façon. Il m'a permis d'exister autrement en tant qu'acteur après «Le grand bleu.

Barr estime en outre essentiel le combat que mène le cinéaste danois pour proposer un cinéma différent de celui, très formaté, qui alimente les complexes multisalles de par le monde. Le caractère expérimental de l'approche de Von Trier trouve d'ailleurs un fort écho chez lui.

«Ce que propose Lars ne fonctionne peut-être pas à tous les coups, mais il a le grand mérite d'essayer des choses. Il y a ainsi un effet d'entraînement auprès de ceux qui militent pour l'indépendance d'esprit et la liberté d'expression. Et aussi auprès de ceux qui estiment important qu'une vision différente ait droit de cité. Lars est quelqu'un qui fait bouger les choses. Je partage entièrement sa vision du monde.»