Vous ai-je déjà dit combien les acteurs me fascinent? Oui, bien sûr. Petites bêtes étranges en mal d'amour qui, le temps d'un rôle, peuvent sublimer la réalité pour mieux nous la révéler. Il m'étonne aussi parfois de constater à quel point certains créateurs parviennent à deviner chez un interprète un tempérament insoupçonné.

Prenez Marion Cotillard, par exemple. Dans La vie en rose, elle incarne une Piaf plus vraie que nature. Non seulement sur le plan physique, mais aussi en plongeant sans retenue dans les émotions exacerbées d'une femme qui aimait plus fort que sa mesure, qui souffrait plus que de raison, et qui, bénie d'un talent effrontément divin, chantait à s'en fendre l'âme pour se raccrocher à la vie. Pas évident de rendre justice à un tel personnage, de surcroît à un mythe intouchable.

Avez-vous vu l'actrice cette semaine au cours de son passage en nos terres pour accompagner la sortie du film? Honnêtement, dites-moi. Auriez-vous franchement pu penser une seule seconde que cette jeune femme au teint de pêche pouvait instinctivement se glisser dans le petit corps malade de l'interprète de l'Hymne à l'amour?

Que cette actrice à la voix toute frêle pouvait mordre à pleines dents dans le vocabulaire tonitruant de l'orpheline de Belleville en empruntant les mêmes tonalités, le même accent gouailleur? Qu'elle pouvait s'abandonner jusqu'au vertige? Qu'elle pouvait ÊTRE Édith Piaf, avec tous les excès que cela implique sans jamais sombrer dans le ridicule?

Le réalisateur Olivier Dahan, lui, a vu tout ça. Comment? Je ne sais pas. Peut-être même Marion Cotillard ne le sait-elle pas non plus elle-même. Combien de fois, d'ailleurs, les acteurs nous disent attendre d'un cinéaste qu'il extirpe d'eux des choses dont ils ne devinent même pas l'existence? Quand ce rare lien créatif se crée, il peut en tout cas engendrer de belles et grandes choses.

À mon avis, la prestation de Marion Cotillard relève de l'état de grâce. Je souhaite pourtant à l'actrice, qui compte déjà des films de Tim Burton, de Jean-Pierre Jeunet et de Ridley Scott à son palmarès, de ne pas avoir trouvé dans La vie en rose le rôle de sa vie. Pour le salut de son propre parcours.

Au Festival de Toronto l'an dernier, où elle accompagnait la présentation de A Good Year (le film raté de Ridley Scott), celle qui fut révélée par Taxi était visiblement un peu en deuil de sa Piaf. Six mois plus tard, aucun projet ne figure encore à son programme. Doit-on y déceler une difficulté pour elle de trouver un projet aussi enthousiasmant? Que peut-on faire après avoir incarné avec brio un personnage pareil? Vraiment pas évident...

Une autre actrice de passage chez nous a fait mon bonheur cette semaine, Arielle Dombasle. Si, si, cette Arielle-là. La même Arielle qui avait fait naître chez moi une crise d'urticaire aiguë le jour où j'avais fait sa connaissance dans Pauline à la plage de Rohmer.

La même Arielle qui minaude, qui «dombaslise» à outrance. La même Arielle qui, au beau milieu du plus important festival de cinéma du monde, déclare en direct de sa modeste résidence secondaire de Saint-Paul-de-Vence que «l'être est beaucoup plus important que le paraître à Cannes».

Ce qui ne l'avait pas empêchée, pourtant, de se «garrocher» le lendemain sur les badauds en faisant des mamours à bouche que veux-tu et en distribuant mille baisers à la terre entière.

Cette Arielle-là, ben oui, je l'aime. Parce que la blonde amazone joue de son personnage avec un talent fou. Parce qu'elle peut balancer des énormités avec une telle candeur qu'on ne peut faire autrement que de l'aimer encore plus. Pour moi, le vrai temps fort de Tout le monde en parle dimanche dernier fut justement la prestation d'Arielle Dombasle.

J'ai complètement craqué quand je l'ai vue, aérienne, contempler le plafond avec une suprême indifférence pendant que Chantal Hébert taillait Mario Dumont en pièces. J'ai soupçonné Arielle de penser alors aux plats que ne lui préparera jamais son cuisinier sri-lankais «qui ne sait rien faire», ou aux endroits que ne lui fera jamais visiter son chauffeur «qui ne sait pas conduire».

Arielle aussi était en état de grâce.