Le Paramount n'existe plus. Il faudra désormais se rendre au Cinéma Banque Scotia Montréal. Ben taboire.

La frénésie commanditaire, qui s'est répandue comme une traînée de poudre en Amérique du Nord dans le réseau des grands amphithéâtres, contamine maintenant nos salles de cinéma. On priera ainsi les spectateurs de se transformer en pub ambulante dès qu'ils manifesteront verbalement l'intention de se rendre dans le célèbre immeuble situé à l'angle des rues Sainte-Catherine Ouest et Metcalfe.

Pouvait-on trouver un nom plus terre à terre? Probablement pas. Le corporatisme a en effet joyeusement pris son ascendant dans ce que l'on nomme maintenant les «industries culturelles». Au point où le caractère cynique de la nouvelle appellation de l'établissement n'a probablement même jamais sauté aux yeux de ceux qui ont eu le mandat de la trouver. La banque Scotia s'associe à Cineplex Divertissement pour établir un nouveau programme de fidélisation avec cartes de crédit à la clé? Il est normal que le nom de la généreuse entreprise nous soit lancé en pleine tronche dès l'instant où on évoque le lieu où l'on peut en profiter, frais de service inclus ou pas. «Fidélité, partout où que tu sois», chante le grand poète Lachance.

Décidément, le réseau montréalais des salles de cinéma a subi une mutation incroyable en très peu de temps. La façon même dont nous «consommons» nos produits cinématographiques - car c'est bien de cela qu'il s'agit - a aussi été profondément transformée. Bien des cinéphiles - du moins ceux qui restent - ont du mal à trouver leurs repères dans ce nouveau contexte. Cela dit, il est parfois de ces initiatives qui nous réconcilient avec le plaisir de voir un bon film dans une vraie salle de cinéma. Par exemple, le cinéma Le Clap de Québec, un complexe bien connu des cinéphiles de la Vieille Capitale, propose depuis trois mois des séances publiques en matinée. Un modèle inspiré de certains cinémas à Paris, qui ouvrent leurs portes dès 9 h, Le Clap invite ainsi les spectateurs à commencer leur journée en découvrant les meilleurs oeuvres cinématographiques du moment.

«Cette initiative est née au mois de février, alors que nous n'étions pas en mesure d'accueillir tous les spectateurs qui voulaient voir Le grand silence de Philip Gröning, m'explique Stéphanie Bois-Houde du Clap. C'est ainsi que nous avons instauré une formule de séances supplémentaires en matinée qui a obtenu un vif succès.»

À telle enseigne que cette formule est restée. La souplesse qui la caractérise permet ainsi à la direction de réagir selon les demandes. Avec l'arrivée des beaux jours, la fréquentation matinale est évidemment moins soutenue, mais la pratique est quand même récurrente.

Y aurait-il un marché à Montréal pour une formule semblable? Je le crois. Il n'y a qu'à voir le nombre de spectateurs qui se déplacent aux séances du matin en période de festival pour s'en convaincre.

Cela dit, un tour d'horizon rapide m'indique qu'une telle politique serait bien difficile à instaurer dans la métropole. Les heures matinales des cinémas qui proposent des films susceptibles d'attirer les cinéphiles sont en effet déjà passablement bien remplies. Ex-Centris, par exemple, consacre souvent ses petits matins à des projections organisées pour les journalistes, ou alors à des séances scolaires, ou encore à des événements d'entreprise.

Bien difficile, avec de telles contraintes, d'établir une programmation régulière avant midi. Il en est de même des autres cinémas indépendants. Quant aux grandes chaînes, on voit mal comment elles pourraient attirer une nouvelle clientèle matinale avec leur type de programmation. Le Quartier latin ou l'AMC, qui présentent aussi des films internationaux, pourraient quand même faire exception.

À mon sens, il vaudrait mieux fidéliser une clientèle en présentant de bons films plutôt que d'offrir des points d'échange avec de nouvelles cartes de crédit...