Pratiquement plus une semaine ne passe sans qu'un record ne soit battu quelque part au box-office. La semaine dernière, Transformers était en train d'écrire un nouveau chapitre à lui tout seul. Avec des recettes de 29,1 millions de dollars le 4 juillet, le jour de la fête nationale des Américains, la superproduction de Michael Bay a battu le record que détenait jusque-là Spider-Man 2 pour ce jour férié.

Avec 152, 5 millions de dollars amassés en sept jours d'exploitation, Transformers a aussi relevé le record des meilleures recettes en une semaine pour un « film original » (c'est-à-dire un film qui ne s'inscrit pas dans une suite), lequel était détenu par le premier Spider-Man.

Mercredi, Harry Potter et l'Ordre du Phénix écrivait à son tour une page d'histoire en battant deux records. Le premier - qui appartenait au Seigneur des anneaux: Le retour du roi - fait état de recettes de 12 millions de dollars pour la première séance de minuit. Le second fait écho aux meilleures recettes du premier jour d'exploitation quand celui-ci a lieu un mercredi: 44,8 millions de dollars pour Harry, comparativement à 40,4 millions pour Spider-Man 2.

Hier, c'était au tour du studio Paramount de pavoiser car les films qu'il a mis à l'affiche depuis janvier 2007 ont généré des recettes d'un milliard de dollars. C'est la première fois, semble-t-il, qu'un studio atteint une telle marque aussi tôt dans l'année.

J'avoue que cette flopée de chiffres qu'on lance à la volée me laisse complètement froid. On aura beau battre tous les records possibles et imaginables (à quand celui du plus grand score enregistré un jour impair dans la troisième semaine d'un mois qui en compte cinq?), il reste que ces chiffres ne font pas écho à toute la réalité.

Contrairement à la France, où les statistiques se mesurent en nombre d'entrées, l'industrie du cinéma en Amérique du Nord compile ses données en argent. Et cela n'est pas prêt de changer car cette méthode sert évidemment ses intérêts. Pas besoin d'être agrégé en comptabilité pour comprendre que la pluie de records qui tombe semaine après semaine découle aussi directement d'une montée inflationniste. Les billets sont plus chers? Ils génèrent forcément plus de revenus. Cela n'est pas très sorcier. Jusqu'ici, le box-office global s'élève à 4 958 600 000 $ en 2007, comparativement à 4 808 700 000 l'an dernier. Alors, où est le problème, direz-vous?

Le problème est bien ciblé par un organisme américain spécialisé dans ces statistiques, Media by Numbers (www.mediabynumbers.com). Cette firme calcule en effet aussi la performance de l'industrie en termes de billets vendus. Quand on jette un coup d'oeil aux chiffres inscrits sous cette colonne, on se rend compte que les recettes servent d'écran de fumée. Le tableau indique en effet que du 2 janvier au 8 juillet 2007, 730 279 823 billets ont été vendus dans les salles de cinéma en Amérique du Nord. L'an dernier à pareille date, les salles avaient enregistré les entrées de 734 152 672 spectateurs. Autrement dit, il y a eu près de quatre millions de spectateurs en moins dans les salles jusqu'à maintenant cette année.

Dramatique? Non. Mais l'industrie peut déjà dire adieu à son objectif de générer quatre milliards de recettes pendant la saison estivale. Alors qu'il y a quelques années à peine, certaines superproductions pouvaient étirer leur succès pendant quelques semaines, celles-ci s'essoufflent désormais très vite. Malgré les recettes astronomiques qu'il a généré dans sa première semaine d'exploitation, qui parle encore aujourd'hui du dernier volet de Pirates des Caraïbes? Que reste-t-il de Shrek 3? Quelqu'un se souvient-il même encore de Spider-Man 3? Transformers semblant déjà chercher son souffle 10 jours à peine après sa sortie, autant dire que le plus récent opus des aventures de l'homme araignée relève de la préhistoire. Et qui peut affirmer maintenant que Nitro sera vraiment le film québécois de l'été? Pas moi en tout cas. Car dans une industrie où la date de péremption des produits est de plus en plus devancée, personne ne peut désormais prétendre au titre de « film de l'été ». En 2007, cette notion n'existe tout simplement plus.

En attendant le raccourci

À chaque fois que David Letterman reçoit l'artisan d'un film qui doit d'abord prendre l'affiche en distribution limitée à quelques villes sélectionnées, il dit toujours, en s'adressant au téléspectateur, « priez Dieu pour que votre ville ait été sélectionnée ».

Je vous ai parlé il y a quelques semaines des déboires d'Alec Baldwin et de son film Shortcut to Happiness, dont le tournage a eu lieu il y a six ans, et que Baldwin désavoue aujourd'hui totalement. Il y a du nouveau dans ce dossier. Premièrement, le film ne porte plus en pseudonyme la signature du légendaire Alan Smithee mais plutôt celle de Harry Kirkpatrick. Aussi, le film prendrait l'affiche aujourd'hui même dans quelques villes « sélectionnées «, mais pas les mêmes que d'habitude. Au lieu de New York, Los Angeles ou Chicago, Shortcut to Happiness prend plutôt l'affiche à Las Vegas, Fort Myers, Rochester, Albuquerque, Columbus et Santa Fe. Il faut croire que certaines prières aient finalement été entendues. Il n'est toutefois pas dit que Montréal sera atteinte par la bonté divine. Chez Alliance Atlantis Vivafilm, détenteur des droits de distribution chez nous, on ne sait pas du tout si nous aurons même un jour l'occasion d'emprunter ce fameux raccourci vers le bonheur