On m'a souvent demandé cette semaine comment se portait le «patient». J'ai eu du mal à répondre car il est franchement difficile d'évaluer la santé du FFM par les temps qui courent. Tout dépend sous quel angle on le regarde. Tout dépend aussi du lien émotif qu'on entretient avec lui.

Certains partisans indéfectibles ne se gênent d'ailleurs pas pour reprocher à la presse son manque d'enthousiasme. Et la propension des journalistes à ne vouloir toujours parler que «du négatif». Ils n'hésitent pas non plus à imputer la responsabilité du déclin de leur festival chéri aux médias.

D'une certaine façon, je les comprends.

Même s'il existe d'autres événements cinématographiques intéressants à Montréal, leurs habitudes sont si solidement ancrées que le FFM reste parfois la seule manifestation du genre qu'ils fréquenteront durant l'année. Et ils ne veulent pas qu'on y touche. À leurs yeux, le festival dirigé par Serge Losique et Danièle Cauchard demeure une manifestation culturelle essentielle et donne l'occasion aux Montréalais de faire des découvertes qu'ils ne pourraient jamais faire autrement.

Qu'importe alors le rayonnement international plus limité ou la désertion des professionnels. Ceux-ci auront d'ailleurs bien l'occasion de rappliquer si jamais un film crée l'événement par surprise. La rumeur à propos de Ben X s'étant répandue comme une traînée de poudre, plusieurs distributeurs - et pas que des québécois semble-t-il - auraient même joué du coude pour assister aux projections subséquentes de cet excellent film belge.

Croisé dans les couloirs du Hyatt, le réalisateur Nic Balthazar, qui ne s'attendait certainement pas à ce que son premier long métrage fasse l'objet d'une enchère aussi courue, flottait sur un nuage. Quoi qu'il advienne le soir de l'annonce du palmarès, en voilà un qui emportera un souvenir impérissable de son passage dans la métropole québécoise.

Mais voilà. La réalité ne prend pas toujours les apparences d'un film en noir et blanc. On aura beau dire que les salles du Quartier latin ont été plutôt bien fréquentées; insister sur le fait que des films intéressants ont pu se faire valoir; relever la présence de vedettes ou souligner l'impact réel du festival sur la visibilité des films québécois sélectionnés, plusieurs zones grises subsistent encore.

L'absence de renouvellement du public est indéniable. La compétition mondiale, censée être la section la plus prestigieuse du festival, est bien peu fréquentée. De nombreux sièges restent vides, tant aux projections du matin à l'Impérial qu'aux projections officielles en soirée au Théâtre Maisonneuve. Ce qui est très gênant. Le cinéaste Abel Ferrara n'a d'ailleurs pas manqué d'en faire la remarque.

À Toronto et à Berlin, pour ne parler que des festivals que je connais personnellement le mieux, on s'arrache les billets pour les projections les plus convoitées. À Cannes, ils sont des centaines à faire le pied de grue autour du Palais des festivals dans l'espoir de décrocher un précieux laissez-passer, peu importe le film. À Montréal, le caractère événementiel des projections est désormais inexistant. Comment, alors, rallumer le désir? Est-ce encore seulement possible?

Nouvelles d'Europe

Mon patron adoré avait encore le sourire aux lèvres. Il venait de rattraper Volver, le très beau film de Pedro Almodóvar. Il s'étonnait de constater à quel point Penélope Cruz était une bonne actrice, considérant les prestations plus ou moins convaincantes de cette dernière dans les productions américaines. Rien là de bien nouveau sous le soleil. Les acteurs européens sont en effet souvent mal servis par Hollywood. Mais ils y vont quand même. Par curiosité, par souci d'«élargir leurs horizons», pour le simple plaisir de la chose. J'ai récemment eu l'occasion de discuter de tout ça avec Monica Bellucci (eh oui, dur métier!) à l'occasion de la sortie prochaine de Shoot'em Up, un film on ne peut plus américain.

Dans cet entretien, que nous publierons demain dans le cahier Cinéma, l'actrice affirme sans hésiter son identité européenne et ne se gêne pas non plus pour livrer le fond de sa pensée. J'ai alors compris que pour certaines vedettes venues d'outre-Atlantique, une virée américaine prend les allures d'une récréation bienvenue, sans toutefois nécessairement aller dans le vrai sens de leur démarche. Tiens, je vais aller répéter cela à mon patron...