Curieusement, il y a des films qui nous font parfois réagir de façon épidermique. Cela n'arrive pas très souvent, remarquez.

Mais il est de ces productions qui, nonobstant les qualités techniques ou le talent indéniable des artisans qui les conçoivent, nous font carrément grimper dans les rideaux. The Brave One a suscité chez moi ce genre de réaction. Voilà le parfait exemple du film dont les nobles intentions provoquent exactement l'effet contraire de celui souhaité.

J'ai écouté Jodie Foster parler éloquemment de ce film lors d'une conférence de presse organisée dans le cadre du Festival de Toronto. Je l'ai entendue défendre cette histoire dénonciatrice d'une «violence qui corrompt tout», et même faire des liens avec Taxi Driver, le film phare de Scorsese dont elle était la jeune vedette il y a plus de 30 ans.

«J'aime comparer les deux films car leurs histoires sont campées dans la même ville, à deux époques complètement différentes, a-t-elle dit. Et même si le New York d'aujourd'hui, avec ses allures de Disneyland, n'a plus rien à voir avec le New York de 1976 et qu'on y trouve des flics à tous les coins de rue, on ne se sent pas plus en sécurité.»

Dans l'esprit de Jodie Foster, qui a réitéré sa «fierté» d'avoir participé à ce film lundi soir chez David Letterman, The Brave One est une oeuvre importante car elle amène une réflexion sur le système de justice et nous force à nous questionner sur la violence dans nos sociétés.

J'aurais très franchement aimé voir le film que Jodie Foster a décrit. J'aurais aussi aimé que le public, qui a assisté avec enthousiasme à la première du film au Festival de Toronto, ait vu le film dont Miss Foster a parlé.

À en juger par les réactions que j'ai entendues pendant la projection, The Brave One semble flatter les plus bas instincts du spectateur plutôt que provoquer une vraie réflexion.

Au Ryerson Theatre, une immense salle qui doit bien contenir près d'un millier de sièges, on a évidemment été choqués par la façon ignoble dont le fiancé de l'héroïne se fait assassiner dans un parc. On a poussé un «aaah» de soulagement quand, assoiffée de vengeance, cette dernière se procure une arme à feu sur le marché noir. On a ensuite applaudi quand la belle décide d'imposer sa «justice» dans la ville, même quand elle se mêle de ce qui ne la regarde pas. On lui a plus tard fait un triomphe quand elle règle enfin le cas de celui qui a tué son amoureux.

Pour tout dire, on se serait cru revenir au temps du «Envoye, fais-lé souffert!!!» Dénonciation? S'il vous plaît, ne me faites pas rire.

En tout cas, cet épisode m'a amené à réfléchir un peu sur la représentation de la violence au cinéma. Les hasards de la distribution font d'ailleurs en sorte que The Brave One prend l'affiche le même jour qu'Eastern Promises, le nouveau film de David Cronenberg, un cinéaste qui en connaît un bout dans le domaine.

À cet égard, vous ne verrez probablement pas cette année de scènes plus violentes, plus dérangeantes, plus déstabilisantes que dans Eastern Promises.

Jamais personne, pourtant, n'accusera Cronenberg d'avoir voulu orchestrer ces scènes-là dans l'unique but d'étancher la soif du spectateur en le noyant dans un bain d'hémoglobine.

Il n'y a rien de glamour dans la représentation que fait le cinéaste canadien de la violence. Au contraire. Il la filme de la façon la plus réaliste possible. C'est presque clinique, organique.

«Pour moi, expliquait Cronenberg cette semaine, la violence est la destruction du corps humain. En tant que cinéaste, je veux que le spectateur la ressente de façon viscérale afin qu'il puisse en mesurer le caractère destructeur.»

Voilà où se situe la différence entre The Brave One et Eastern Promises. Entre le spectacle et la pertinence.

Je ne sais pas si Jodie Foster est restée dans la salle après avoir présenté le film au public du Ryerson Theatre. Peut-être aurait-elle alors constaté que, malgré le succès qu'il risque d'obtenir, le film qu'elle a tourné sous la direction de Neil Jordan (The Crying Game, Breakfast on Pluto) ratait sa cible.

Peut-être aurait-elle alors aussi souhaité parler ensuite à David Cronenberg...