Le succès des 3 p'tits cochons me ravit. Le film de Patrick Huard connaît en effet une carrière parfaitement atypique qui bouscule les règles d'une industrie où tout semble être pourtant programmé d'avance.

Quand cette comédie dramatique a pris l'affiche au Québec il y a plus de deux mois, personne n'aurait pu affirmer sans rire qu'elle figurerait dans la liste des 10 films les plus populaires de la semaine pendant... 10 semaines. DIX semaines!

Dans le contexte actuel, il s'agit d'une performance absolument exceptionnelle. Même les superproductions américaines qui ont généré des recettes cumulatives supérieures aux 3 p'tits cochons ne peuvent en dire autant. Harry Potter, par exemple, fut écarté du Top 10 au bout de huit semaines. Idem pour Spider Man 3. Shrek? Une semaine de moins au palmarès que ses concurrents.

Malgré tout le battage médiatique qui a marqué leur arrivée sur grand écran, les Simpson ne se sont accrochés au Top 10 que pendant six semaines. Et puisque nous sommes dans les statistiques, il convient de mentionner aussi que la première réalisation de Patrick Huard s'est retrouvée en tête du box-office hebdomadaire québécois à cinq reprises, regagnant notamment le sommet pendant trois semaines consécutives après avoir momentanément cédé la place au bout de deux semaines d'exploitation.

«Il faudra multiplier par neuf les recettes du premier week-end pour atteindre le montant global que le film générera pendant sa carrière, me faisait hier remarquer Simon Beaudry, le président de Cinéac, la firme chargée de compiler les statistiques du box-office québécois. C'est un coefficient très rare. Habituellement, les films à succès, y compris les superproductions, ne génèrent que trois ou quatre fois leur score du premier week-end.»

Même si, au départ, son succès populaire ne relevait pas de l'ordre de celui de Séraphin ou de Bon Cop, Bad Cop, Les 3 p'tits cochons s'est progressivement hissé en tête du box-office québécois de l'année. Hier, les recettes s'élevaient à 4 409 596 $. Et la carrière du film n'est pas encore finie. Au-delà de tous ces chiffres, le succès de ce film révèle un phénomène dont on a de plus en plus tendance à négliger l'effet: le bouche-à-oreille.

Vous aurez beau orchestrer de savantes campagnes publicitaires (850 000 $ ont été dépensés pour celle des 3 p'tits cochons), tenter de formater un produit selon les goûts et couleurs du moment, rien ne remplace une rumeur favorable générée par des gens de proximité.

Visiblement, le scénario (écrit par Pierre Lamothe et Claude Lalonde) a su atteindre l'une des cordes sensibles d'un public qui s'est reconnu dans les thèmes abordés dans le film.

Christian Larouche, le directeur de Christal Films, estime que tous les éléments se sont progressivement mis en place pour générer ce succès. En déplaçant la sortie de juin à août, on a d'abord cédé le passage aux superproductions américaines. Qui ont fait leur plein de spectateurs très rapidement. On a aussi pu profiter du fait que les noms de Claude Legault et de Guillaume Lemay-Thivierge soient devenus «bankables» comme disent les Français. C'est-à-dire que les deux acteurs ont acquis au cours des dernières années une notoriété qui leur permet désormais de tenir le haut d'une affiche.

«Malgré ces avantages, il y avait quand même un gros défi à relever, reconnaissait hier Larouche. Il fallait faire savoir très clairement au public que Patrick Huard assumait la réalisation du film sans paraître à l'écran. On devait aussi indiquer aux gens qu'ils ne devaient pas s'attendre à revoir une comédie à la Bon Cop, Bad Cop

La stratégie a payé. Même si la publication des chiffres du premier week-end d'exploitation, bons mais pas extraordinaires (525 287 $), a donné quelques sueurs froides au distributeur, le film a généré son succès sur la longueur. Ce phénomène est remarquable à une époque où tout est organisé de telle manière que les films doivent cartonner dès leur arrivée dans les salles.

À cet égard, le mois d'août est en train de devenir un temps très favorable pour les films québécois en général, et pour Patrick Huard en particulier. Ce dernier a en effet frappé un coup de circuit l'an dernier au mois d'août avec Bon Cop, Bad Cop, le plus grand succès populaire de l'histoire du cinéma au Canada.

Un an plus tard, Huard en envoie une autre par-dessus le champ gauche avec ses 3 p'tits cochons. Et quand, pensez-vous, Christian Larouche mettra-t-il à l'affiche Cadavres, le nouveau film d'Érik Canuel dont Huard est la vedette? Vous l'aurez deviné: l'an prochain au mois d'août. En visant le champ centre.

De la même manière qu'on a surnommé Reggie Jackson «Mister October» au baseball, il faudrait peut-être songer à donner à Huard le titre de «Mister August» du cinéma...