«C'est parce que le monde est malade qu'il faut voir le doc.» J'aime beaucoup cette phrase qu'a écrite Biz dans le programme des 10es Rencontres internationales du documentaire. Car au-delà de cette formule très imagée, issue de l'esprit d'un rappeur militant qui secoue les mots pour mieux faire tomber leur sens, monsieur le porte-parole touche ici à la pertinence même de la forme documentaire.

D'autant qu'en cette période trouble, la pluralité des regards devient plus qu'une nécessité. Elle devient essentielle. Ne serait-ce que pour conscientiser, faire écho à la complexité des enjeux, ou, plus simplement, révéler parfois un drame «de proximité» qui nous échappe. Le peuple invisible, le film que Robert Monderie et Richard Desjardins ont tourné avec les Algonquins, est à cet égard pour le moins instructif. Dans la mesure où il met non seulement en lumière notre profonde ignorance, mais aussi une réalité tragique qui, dans notre inconscient collectif, ne suscitait jusque-là qu'indifférence (au mieux) ou mépris (au pire).

On me dit souvent que les documentaires font face à un réel problème de diffusion. Le fait est qu'à part quelques rares exceptions, une distribution massive en salle est d'emblée pratiquement exclue pour ces films. Les documentaristes les plus chanceux peuvent à la limite espérer la présentation de leur film à Montréal dans le réseau indépendant (ONF, Parallèle, Cinéma du Parc, Beaubien). Il est toutefois clair que la télévision constitue aujourd'hui le débouché «naturel». Or, si certaines chaînes respectent l'intégralité des oeuvres, d'autres en revanche exigent que les documentaires soient formatés de telle sorte qu'ils puissent être insérés dans une case horaire précise. Et encore, quelle case horaire? Lors de son passage récent à Montréal, Bertrand Tavernier regrettait en outre que De l'autre côté du périph', un documentaire qu'il a tourné il y a une dizaine d'années, n'ait jamais été présenté sur une chaîne québécoise en heure de grande écoute.

Mais qu'est-ce, à vrai dire, qu'un documentaire? Depuis quelques années, on a parfois l'impression qu'on utilise ce terme générique pour décrire à peu près tout et n'importe quoi. Du reportage à la musicographie. Un peu comme si Québec sur ordonnance procédait de la même démarche que Pour la suite du monde. Ou que Jonas - La quête pouvait revendiquer une filiation avec Le confort et l'indifférence...

Quand il fut annoncé cette semaine que le «rockumentaire» de Jean-François Pilon sur Jonas ne bénéficierait finalement pas d'une distribution en salle, j'avoue avoir d'ailleurs poussé un soupir de soulagement. Après avoir vu ce document, de qualité très moyenne, j'estime qu'il s'agit là d'une très sage décision. Rares, en effet, sont désormais les documentaires musicaux qui prennent le chemin du grand écran. Alors que certains d'entre eux se sont fait valoir à une époque où la diffusion en salle était pratiquement la seule option à envisager (Monterey Pop, Gimme Shelter, Bring on the Night, U2 - Rattle and Hum et même, Madonna: Truth or Dare), les documentaires de ce genre aboutissent aujourd'hui généralement en DVD. Ce fut notamment le cas de No Direction Home, le film que Martin Scorsese a tourné sur Bob Dylan. Inutile de dire qu'à côté de ces véritables oeuvres, la «musicographie» de Jonas paraît un peu pâle. Et pas de taille à affronter une large distribution sur grand écran.

Ainsi, les Rencontres internationales du documentaire de Montréal (www.ridm.qc.ca) se révèlent pertinentes non seulement pour les questions que les films sélectionnés soulèvent, mais aussi sur le plan de la forme. Parce que la vraie nature du documentaire y est aussi célébrée. Comme une façon d'interpeller la conscience du monde.

Huard au créneau

Oui, il a une grande gueule. Oui, la façon dont l'histoire est sortie empruntait les allures d'une petite crise de vedette. N'empêche qu'au-delà du refus anecdotique d'un déplacement en classe économique pour aller assurer la promotion de son film à Paris, Patrick Huard a exprimé haut et fort un malaise profond. Lequel a tout à voir avec le simple respect du créateur. Or, il est notoire qu'à cet égard, il nous reste encore bien des croûtes à manger en ce pays. La montée de lait de Huard a au moins le mérite de nous faire réfléchir à cette question.

Les Coen avec sous-titres

Vous avez été très nombreux à réagir à la chronique portant sur le doublage de Surviving My Mother la semaine dernière. Il y a en effet parmi vous plusieurs partisans des versions originales sous-titrées. Permettez-moi alors de signaler que No Country for Old Men, le remarquable film des frères Coen, prend l'affiche aujourd'hui même avec des sous-titres en français au cinéma Ex-Centris. Que du bonheur.