1. 4 mois, 3 semaines et 2 jours

Ce film brillant de Cristian Mungiu, dur et poignant, campé dans la Roumanie de fin de règne de Nicolae Ceausescu, constitue un tour de force. Réalisé avec des bouts de ficelle, il propose un regard éloquent, tout en finesse, sur l'amitié, le sexe, les classes sociales, le mensonge obligé et le coût de la vérité sous la dictature. 4 mois, 3 semaines et 2 jours, Palme d'or du dernier Festival de Cannes, offre entre autres à voir un plan fixe de pur génie, sublime de tension et d'absurdité, autour d'une table, à l'occasion d'un repas d'anniversaire.

2. No Country for Old Men

No Country for Old Men, tiré du roman éponyme de Cormac McCarthy, renoue avec l'esthétique sombre et caricaturale si particulière aux films des frères Ethan et Joel Coen. Une distribution de grande qualité, une mise en scène intelligente, un humour noir irrésistible d'absurdité, une direction photo superbe (signée Roger Deakins), des dialogues truculents: No Country for Old Men est ce que les frères Coen ont fait de mieux depuis Fargo. Javier Bardem trouve dans ce thriller atypique aux airs de western un rôle taillé sur mesure d'assassin psychopathe qui ne s'encombre d'aucun sentiment. Sa traque d'un cowboy vétéran du Vietnam, tombé par hasard sur un butin dans le désert texan, est le prétexte à un regard décapant et décalé, caustique et subtil sur l'Amérique moderne, où les règles du Far-West priment sur celles de la civilité.

3. I'm Not There

Brillant et halluciné comme un poème d'Allen Ginsberg, I'm Not There de Todd Haynes, film métaphorique et élégiaque, très librement inspiré de l'oeuvre et de l'être de Bob Dylan, se présente comme un casse-tête impressionniste à mille lieues du «biopic» traditionnel. Cette oeuvre inspirée et inspirante se moque des conventions et transcende le genre. Todd Haynes s'est approprié son sujet, a déconstruit le mythe Dylan, et a laissé libre cours à ses fantasmes cinématographiques pour nous offrir un film éclaté, presque cubiste, d'une logique pourtant implacable. Cate Blanchett est parfaite dans le rôle d'un Dylan plus vrai que vrai.

4. Lust, Caution

Sur fond d'occupation japonaise de la Chine pendant la Deuxième Guerre mondiale, Lust, Caution, suave et élégant thriller d'Ang Lee, évoque le potentiel dangereux du rapport sexuel. Dans sa brutalité et sa violence. Dans l'humiliation et le rapport de force. Elle (Wei Tang) couche avec lui pour le trahir. Il (Tony Leung) couche avec elle pour la dominer. Ils n'ont de commun que le désir, feint ou réel. Leur liaison, pourtant teintée de mensonge, est criante de vérité. Vraie comme le climat trouble de la tension sexuelle.

5. The Wind That Shakes the Barley

The Wind That Shakes the Barley, qui a valu la Palme d'or à Ken Loach en 2006, illustre avec finesse, à travers la prise de conscience d'un jeune étudiant irlandais et sa relation avec son frère aîné révolutionnaire, les balbutiements de l'IRA et le germe de la révolte du peuple irlandais. Une oeuvre intimiste, dure et bouleversante, sur l'injustice, l'affranchissement et les codes absurdes qui régentent le temps de guerre.

6. Away from Her

Premier long métrage de l'actrice canadienne Sarah Polley, Away from Her, aux accents bergmaniens, propose une vision d'une étonnante acuité, d'un réalisme déconcertant sur la vie d'un vieux couple accablé par la maladie d'Alzheimer. La grande Julie Christie est particulièrement émouvante. Et la cinéaste Sarah Polley, 28 ans, d'une maturité renversante.

7. La vie des autres

Un officier de la Stasi, la police politique de la RDA, s'ouvre les yeux sur les injustices et le drame humain de la répression communiste. La vie des autres, premier long métrage de l'Allemand Florian Henckel von Donnersmarck, Oscar du meilleur film étranger, rend à merveille l'absurdité de la fin de régime à Berlin-Est, grâce entre autres au jeu exceptionnel d'Ulrich M-he (disparu cette année).

8. Juno

Le deuxième long métrage de Jason Reitman propose avec force esprit et irrévérence une vision oblique du monde dans lequel nous vivons. Petit film charmant sur les aléas de l'adolescence, Juno est aussi une comédie intelligente sur l'Amérique, vue avec le regard pétillant d'une fille de 16 ans (la Canadienne Ellen Page, lumineuse) allumée, frondeuse et irrésistible.

9. Continental, un film sans fusil

Film contemplatif gris comme l'ennui, chassé-croisé subtil baigné dans un humour noir, Continental, un film sans fusil, premier long métrage du Québécois Stéphane Lafleur, est fait de fine dentelle. Ses effets sont mesurés, dans la mise en scène (inventive), l'interprétation (très juste), la réalisation (en plans fixes) comme dans la recherche sonore (remarquable). Un film de silences éloquents, de moteurs de frigos bruyants, de notes d'orgue surannées, de pellicules d'albums de photos froissées et de cris de voisins qui font l'amour, étouffés par les murs en carton-pâte d'un hôtel générique en bordure d'autoroute.

10. Eastern Promises

David Cronenberg au sommet de son art. Dans le violent et le sordide, le sombre et l'énigmatique, en équilibre entre le réalisme et la caricature. Viggo Mortensen se surpasse dans le rôle d'un expatrié russe à Londres, acoquiné à la mafia. À voir, ne serait-ce que pour cette scène de bagarre d'anthologie dans un sauna entre deux brutes armées et Viggo dans son plus simple appareil.