Dans ma collection de DVD, il y a aux côtés de la trilogie de l'Île-aux-Coudres de Pierre Perrault et quelques films chinois réédités chez Criterion, des titres qui détonnent: Wayne's World, Les Boys II, Old School (en version intégrale non censurée).

Ce sont des plaisirs coupables. Des références inavouables. Des films pour lesquels j'ai peine à reconnaître ouvertement mon affection.

Voyez d'ailleurs comme j'ai noyé Les Boys dans Les voitures d'eau, Pour la suite du monde et Le règne du jour de Perrault. Un titre honteux pour trois titres de bon ton. La preuve s'il en est de mon rapport trouble aux Boys.

Je n'ai pas l'intention de refaire ici le débat sur la notion de «plaisir coupable» mon collègue Alexandre Vigneault et moi y avons consacré chacun une chronique complète la semaine dernière (nous nous sommes réconciliés depuis). Seulement, j'ai envie de transposer ce phénomène, d'ordinaire associé à la musique populaire, au cinéma.

Qu'est-ce qu'un plaisir coupable au cinéma? Ce n'est pas à mon sens, comme on le laisse parfois entendre, une affection particulière pour un genre daté que l'on apprécie au second degré. Dire en 2008 qu'on aime le cinéma de genre des années 70, la blaxpoitation, l'érotisme vintage, les films d'arts martiaux ou la série Z relève pratiquement du lieu commun.

Le plaisir coupable du cinéphile est celui qui est mal vu de son entourage. Celui qu'il a au moins un peu honte de dévoiler. Pour un critique de cinéma, c'est par exemple avouer une réelle admiration pour le cinéma de Claude Lelouch (j'ai adoré La belle histoire), de Luc Besson (post-Nikita) ou de Paul Verhoeven (période américaine).

Un plaisir coupable, c'est regarder Rocky IV jusqu'à la fin, un vendredi soir en version française à TQS, malgré les pubs qui font durer le plaisir jusqu'à 2h du matin. C'est se mettre à encourager Rocky Balboa comme s'il pouvait nous entendre, en s'imaginant parmi les Russes qui désavouent Ivan Drago, avant d'écraser une larme d'un revers de main parce que Sylvester Stallone beugle «Adriaaaaaaaan!» à Talia Shire.

Un plaisir coupable, c'est aimer à en rosir des joues une comédie romantique au nom aussi cucul que Love & Basketball, n'avoir que de bons souvenirs d'un film d'action comme First Blood, tenir pour film-culte une comédie régressive comme UHF (avec «Weird Al» Yankovic) et admettre qu'on va voir Horton entend un Qui! avec son fils de 4 ans pour son propre plaisir autant que pour le sien.

Le contraire d'un plaisir coupable, ce serait de dire qu'aux côtés de Wayne's World, Les Boys II et Old School (en version intégrale non censurée), il y a dans sa collection de DVD quelques films chinois réédités chez Criterion ainsi qu'une dizaine de documentaires de Pierre Perrault.

Je ne compte plus d'ailleurs le nombre de cinéastes qui se réclament publiquement depuis quelque temps de Pierre Perrault (ou de Gilles Groulx). Une façon, j'imagine, de se dissocier d'un Denys Arcand (trop embourgeoisé), de faire moins commun que Claude Jutra (trop facile) et différent de Gilles Carle (trop 2005). Il en va finalement des plaisirs coupables (et de leur contraire) comme il en va de bien d'autres choses. Ils dépendent beaucoup du regard de l'autre.

Un plaisir assumé

Dans une galaxie près de chez vous 2 est tout sauf un plaisir coupable. C'est un plaisir pleinement assumé. De l'humour intelligent et sympathique, conçu pour un jeune public mais assez fort (en double sens) pour un public adulte.

La deuxième aventure cinématographique de l'équipage du Romano-Fafard, à l'affiche depuis hier, reste aussi efficace dans l'humour absurde et les références à l'actualité (on n'épargne pas Mario Dumont ni la mission en Afghanistan). Le film réalisé par Philippe Gagnon évite surtout l'écueil du prêchi-prêcha, en ne rendant pas moralisatrice une fable qui aurait facilement pu tourner au pamphlet écologiste lourdaud.

Pourquoi les jeunes aiment-ils toujours autant les personnages conçus par Pierre-Yves Bernard et Claude Legault il y a 14 ans? Peut-être parce qu'on ne les prend pas pour des imbéciles.

Avec des amis comme ça...

Les témoins se succèdent devant le comité sénatorial qui étudie en ce moment les dispositions du projet de loi C-10 permettant au ministre du Patrimoine de refuser un crédit d'impôt à des films ou émissions de télé «contraires à l'ordre public».

Mercredi, Charles McVety, le président de la Canada Family Action Coalition, a été le seul intervenant, à l'exception de la ministre Josée Verner, à appuyer le projet de loi C-10 (qui ouvre selon plusieurs observateurs la porte à la censure) et à regretter qu'il n'ait pas une portée plus large.

L'évangéliste souhaite que les restrictions du projet de loi s'appliquent un jour aux subventions aux films, et pas seulement aux crédits d'impôt. M. McVety trouve inconcevable que les contribuables canadiens aient à financer des oeuvres qui comptent des scènes de sexualité explicite ou de violence, et qui font l'apologie de l'homosexualité. Est-ce aussi l'avis de la ministre?