Personne ne l'a vu, mais c'est le film par lequel le scandale est venu. Young People Fucking (Jeunes adultes qui baisent, en version française - à l'affiche au Québec le 13 juin) est depuis quelques mois au coeur du débat entourant le projet de loi C-10, qui rouvre la porte à la censure cinématographique au Canada.

Le premier film du réalisateur Martin Gero est devenu malgré lui le fer de lance de la droite dans sa défense de ce projet de loi controversé, qui permettrait au ministre du Patrimoine de retirer le droit aux crédits d'impôt à des productions cinématographiques et télévisuelles jugées «offensantes» ou «contraires à l'ordre public».

Devant le comité sénatorial qui étudie actuellement le projet de loi, un groupe de pression ultra-conservateur mené par le révérend Charles McVety a plaidé qu'il était inconcevable que l'argent des contribuables serve à produire des films indécents comme Young People Fucking.

Or ni M. McVety ni la plupart des détracteurs de cette comédie de moeurs n'en ont vu le moindre plan (un peu comme tous ces commentateurs qui analysent le rapport Bouchard-Taylor sans l'avoir lu). Et ils ne voudraient surtout pas donner l'impression de vouloir voir le film afin de s'en faire une meilleure idée.

Mardi, l'assistante du député conservateur ontarien Gary Goodyear a été congédiée parce qu'elle a réservé un billet pour une avant-première de Young People Fucking au nom de son patron (le film doit prendre l'affiche le 13 juin). D'autres députés conservateurs, Patrick Brown, James Lunney et Carol Skelton, ont prétendu que leurs noms s'étaient retrouvés malgré eux sur la liste des quelque 50 invités de la projection privée du film, ce soir à Ottawa, et qu'ils n'avaient pas la moindre intention d'y assister.

On se croirait en Iran, me disait hier un ami. Non, seulement dans le Canada puritain de Stephen Harper, qui se donne souvent le ridicule de l'Amérique profonde de Gorge Bouche (à ne pas confondre avec le classique du cinéma porno des années 70).

Qu'en est-il donc de ce film qu'on ne saurait voir, ni même nommer - les députés fédéraux se sont entendus pour le désigner par ses initiales, YPF -, et qui met tant d'élus dans l'embarras?

C'est une comédie assez bien foutue (s'cusez-la), mais plutôt chaste, sur les rapports amoureux, amicaux, de séduction et de force qui accompagnent ceux du sexe. Pour toutes les promesses de son titre, Young People Fucking n'a rien d'un Deep Throat (Gorge profonde). Linda Lovelace peut reposer en paix (sans devoir se rhabiller).

Quant à Josée Verner, qui réussirait à faire perdre même à Maxime Bernier le titre du ministre le plus incompétent, elle peut dormir sur ses deux oreilles. Son gouvernement n'a pas accordé de crédits d'impôt à un film pornographique (ce qui est déjà interdit par la loi).

Young People Fucking, plus près de Bluff que de Caligula, donne plutôt dans le dialogue truculent et le sexe ontarien, c'est-à-dire sans l'ombre d'un pénis, avec des filles la plupart du temps en soutien-gorge.

Ce n'est du reste ni le contenu ni le propos de Young People Fucking qui choque les conservateurs. C'est son titre. Fuck, et a fortiori l'action de ce verbe profondément transitif (Fucking), ne sont pas des termes pris à la légère au Canada anglais (comme d'ailleurs aux États-Unis). Ils ont plus de portée, sont pénétrés disons, d'un sens plus littéral, que leur adaptation passe-partout québécoise, considérée sans conséquence.

Les anglos disent Fuck en privé, mais pas Fuck en public (et portent, semble-t-il, le soutien-gorge en privé comme en public). Aussi, les députés conservateurs baisent en privé mais condamnent en public des films mettant en scènes de jeunes adultes qui baisent, sans même les avoir vus à l'oeuvre. Fucking hypocrisie, si vous voulez mon avis.

Le pari de la qualité

Si l'on entretenait encore le moindre doute sur l'orientation que veut donner Remstar à TQS, ce n'est plus le cas aujourd'hui. Mon collègue Paul Journet a appris que TQS ramène dans le giron de L'avocat du diable - son émission d'information «phare» à compter de la semaine prochaine - «l'avocat» originel, Stéphane Gendron, le maire fait polémiste bas de gamme. Pour l'appuyer dans ses jugements à l'emporte-pièce et autres inepties réactionnaires, le troglodyte déguisé en psychiatre mieux connu sous le nom de Doc Mailloux. Je me disais bien que TQS allait faire le pari de la qualité.

Oedipe roi

Dans sa réplique à ceux qui le traitent (pourquoi donc?) de raciste, Victor-Lévy Beaulieu a fait hier ce lapsus (qui a été corrigé): au lieu d'écrire «reine-nègre», il a écrit «reine-mère» (deux fois) à propos de Michaëlle Jean. Y aurait-il un complexe d'OEdipe non résolu dans le rapport de VLB à la fonction de gouverneur général?

Autour de la machine à café (bis)

Mon collègue Marc-André Lussier s'est vanté avec raison, il y a un mois, d'avoir terminé la première ronde des séries de la Coupe Stanley en tête du pool annuel de la salle de rédaction de La Presse. L'ami Lussier a eu la main moins heureuse dans les rondes subséquentes. Devinez qui, aujourd'hui, trône fin seul au sommet de la liste des 63 participants (dont plusieurs experts du palet et du gouret)? Deux indices, comme l'écrivait Marc-André en avril: «cette personne écrit sur le cinéma, et elle signe (...) une chronique dans ce journal». Et dire que j'ai quitté la section des Sports il y a presque 10 ans...