«Certains croient que le football est une question de vie ou de mort. Leur attitude me déçoit beaucoup. Je peux vous assurer que c'est beaucoup, beaucoup plus important que ça.»

La citation est de Bill Shankly, légendaire entraîneur du Liverpool FC. Et elle colle à merveille aux personnages de Fan-Demanium, un documentaire de l'Allemand Matthias Visser sur 10 supporteurs d'autant d'équipes de la dernière Coupe du monde de soccer, en Allemagne.

Présenté dans le cadre des 3es Rencontres internationales cinéma et sport (qui auront lieu du 18 au 26 juin aux cinémas du Parc et Ex-Centris), Fan-Demanium suit entre autres le parcours de fan d'Uwe, obsédé par la Mannschaft (l'équipe nationale allemande) au point de décorer les pièces de sa maison en rouge, noir et or - ainsi que le siège en moumoute de ses toilettes.

Cet Elvis Gratton berlinois décide de construire avec les moyens du bord une coupe du monde géante avec du papier journal, de la broche et une lampe chinoise en forme de globe, qu'il a arrachée à son salon. Cette grotesque structure, peinte à l'aérosol couleur or, ne sera pas complétée avant la fin du Mondial. Pour celui de 2010 en Afrique du Sud peut-être?

Uwe, personnage coloré aux moustaches d'Obélix, réussit à nous émouvoir, tant sa passion pour le foot est démesurée. Il pleure presque en apprenant qu'il a obtenu un billet pour le quart de finale Allemagne-Argentine, remporté par les Allemands aux tirs aux buts. Il connaît par coeur le commentaire télé du but gagnant de l'Allemagne contre la Hongrie lors de la Coupe du monde de 1954. D'autres, comme ce supporteur italien exalté et arrogant, nous font en revanche regretter que Zidane n'ait pas placé le ballon sous la barre, en prolongation de la finale de 2006, avant de perdre la tête...

Fan-Demanium s'intéresse aussi au Mondial comme métaphore sportive des enjeux géopolitiques de la planète: l'ancienne colonie contre la métropole, les ennemis d'hier qui se retrouvent sur le terrain. «Ç'aurait été un petit moment de libération de tous nos complexes de colonisés», regrette un supporteur angolais, en pleurs après la défaite de son équipe face au Portugal.

Dans bien des régions du monde, le soccer est une religion pour les masses, alors que chez nous comme aux États-Unis, «c'est un sport qui intéresse les gens qui aiment le fromage de chèvre importé», remarque Franklin Foer, auteur de l'essai How Soccer Explains the World (que tout journaliste amateur de soccer rêve d'avoir écrit à sa place).

Pour quiconque a suivi de près le dernier Mondial (je n'en ai pas raté un match), ce documentaire est pur plaisir.

Vive l'équipe du Tibet libre!

Dans un autre registre, toujours dans le cadre des Rencontres internationales cinéma et sport organisées par La Lucarne, on retrouve The Forbidden Team (L'équipe interdite), un documentaire danois sur le premier match de la première équipe de soccer tibétaine («une équipe nationale sans nation») en 2001.

Entraînements sur un terrain boueux traversé par des vaches à Dharamsala, pressions de la Chine pour annuler le match (contre le Groenland), refus de la FIFA de cautionner officiellement la partie, interdiction d'afficher le drapeau tibétain à Copenhague, où a lieu l'événement: The Forbidden Team fait état de toutes les embûches de cette folle entreprise et de l'impact politique (et économique) de toute décision (même sportive) concernant le Tibet.

Parmi les autres films de la programmation de La Lucarne, on compte aussi l'excellent documentaire New York Cosmos: une équipe de rêve, sur la fameuse équipe de la NASL (la défunte North American Soccer League, dont faisait partie Le Manic de Montréal) menée à la fin des années 70 par cette tête de cochon de Giorgio Chinaglia, Franz Beckenbauer, Carlos Alberto et bien sûr, Pelé. Les années de gloire, le Giants Stadium plein à craquer, les nuits folles de l'ère disco et un rêve fou qui a pris fin du jour au lendemain.

À ne pas rater, pour les fans des Bleus, Zidane, le dernier match, documentaire d'Alix Laporte et Stéphane Meunier (réalisateur du fameux Les yeux dans les Bleus), qui retrace les derniers mois de la carrière du maestro français. Le «dernier match» n'est pas la finale malheureuse du Mondial de 2006, mais bien le dernier match de Zizou en club avec le Real Madrid quelques semaines plus tôt.

Le traitement est sympathique sans être complaisant - on revient sur le fameux «coup de boule» à Materazzi -, Zidane se dévoile plus que jamais, laissant les caméras entrer dans la maison familiale madrilène. On le voit tapant du ballon avec ses enfants, on suit sa famille, émue, jusque dans les gradins du stade Bernabeu, et on en apprend davantage sur lui grâce aux commentaires de ses anciens coéquipiers et entraîneurs (Beckham, Vieira, Lippi).

Samir Nasri, adolescent, est interviewé et avoue timidement rêver de suivre les pas de son idole marseillaise (Nasri joue actuellement l'Euro avec l'équipe de France). Un regard dans l'intimité de l'un des plus grands joueurs de son époque.

Le festival de cinéma de La Lucarne, qui fait la part belle à la «beautiful game» comme disait Pelé (Goal Dreams, Didier Drogba: l'incroyable destin, Amando A Maradona, Maradona, la main de Dieu et Mémoire retrouvée: le onze du FLN, sur les joueurs qui ont abandonné l'Équipe de France pour appuyer l'indépendance de l'Algérie) s'intéresse aussi au légendaire marathonien éthiopien Haile Gebreselassie (Endurance) et aux dernières années de l'équipe de hockey soviétique (CCCP Hockey).

Un festival comme parfait complément à l'Euro.

Les 3es Rencontres internationales cinéma et sport, du 18 au 26 juin aux cinémas du Parc et Ex-Centris (www.lalucarne.ca)