Je comprends Stéphane Rousseau d'affirmer que si Astérix aux Jeux olympiques était à refaire, il referait le film demain matin sans hésiter. Pour un humoriste québécois aussi ambitieux que lui, ce film, qui a été lancé l'hiver dernier dans l'ensemble de l'Europe sur 6000 écrans, fut un tremplin professionnel extraordinaire.

Qu'importe si la critique a unanimement descendu le film en le qualifiant de triste navet noyé dans une potion tragique. Grâce à Astérix, Rousseau a donné la réplique à deux monstres sacrés (Depardieu et Alain Delon), joué aux côtés de plusieurs vedettes du cinéma français, d'un dieu du stade (Zidane), d'un champion de Formule Un (Michael Schumacher), d'une vedette du tennis (Amélie Mauresmo) et j'en passe. Il a fait partie d'une aventure complètement mégalo où le fric (80 millions d'euros) a coulé comme de l'eau et il a dû être payé une très jolie somme pour interpréter le romantique Alafolix. Et puis, comble du bonheur, il a été vu et peut-être même reconnu par 18 millions de spectateurs, en Europe seulement.

Dans ces conditions, je comprends Stéphane Rousseau de ne pas se plaindre de son sort et d'assurer un service après-vente des plus enthousiastes alors que le film prend l'affiche chez nous. Je le comprends même de défendre ce long film sans «intérix» où l'on s'emmerde royalement du début jusqu'au «générixe».

Là où je comprends moins Stéphane Rousseau c'est lorsqu'il affirme qu'Astérix aux Jeux olympiques a parfaitement rempli son mandat. Celui de rejoindre un public plus familial que ne l'avait fait l'avant-dernier Astérix et sa Mission Cléopâtre.

Remarquez que Stéphane Rousseau n'est pas le seul à défendre ce virage famille. Le producteur et grand manitou du projet, Thomas Langmann, invoque exactement les mêmes arguments depuis le tout début.

C'est d'ailleurs en plaidant pour un film familial que le producteur a convaincu le dessinateur Uderzo de lui céder les droits pour cette troisième adaptation d'Astérix au cinéma.

Sauf que je me demande de quelle famille Alafolix et son producteur parlent au juste. D'une famille où tous les enfants ont moins d'un an? D'une famille où la maman, le papa et leurs rejetons se comportent comme les personnages de l'émission Papa a raison? D'une famille coincée dans le corset des années 50 ou alors vivant selon la tradition amish dans un village du bon vieux temps perdu au milieu de nulle part?

J'ai beau chercher la famille de 2008 à qui s'adresse ce film plat, beige et dénué de tout humour, je ne la trouve pas.

Pas étonnant. Les familles d'aujourd'hui sont des entités beaucoup plus raffinées que ne semble le penser Thomas Langmann, qui a aussi coscénarisé et coréalisé le film. Au cinéma, ces familles sont capables d'en prendre. D'autant plus qu'elles en ont vu d'autres, que ce soit sur l'internet, aux nouvelles à la télé, dans les clips ou avec les jeux vidéo.

Sachant cela, ceux qui produisent des films pour toute la famille aujourd'hui leur offrent des produits de moins en moins gnangnan et de plus en plus ouverts, délurés et truffés de clins d'oeil adressés à des gens qu'on ne prend plus tout à fait pour des cons.

Exception de quelques insupportables navets, le cinéma pour toute la famille est devenu un cinéma à deux vitesses conçu pour que les petits se bidonnent pendant que les grands rient en douce.

Mais devant Astérix aux Jeux olympiques, le désir de se bidonner comme de rire en douce n'est jamais exaucé. Enfants et parents sont condamnés à cogner des clous, à se trémousser d'impatience devant la platitude de l'histoire et la piètre qualité du carton dont sont faits les personnages.

Si Thomas Langmann avait l'âge d'Uderzo, sa méconnaissance des familles d'aujourd'hui serait compréhensible. Mais le producteur vient d'avoir 36 ans. Il est le père d'une fillette de 4 ans et le fils du producteur Claude Berri. C'est d'ailleurs lui qui a convaincu Claude Berri de produire les deux premiers Astérix avant d'être écarté des deux projets par son père.

Cette fois-ci, il a voulu prendre sa revanche. Il a réussi d'une certaine manière, mais il a raté tout le reste. Car en sortant de ce film interminable, tout ce que l'on retient ce n'est ni Astérix, ni Obélix ni le romantisme suranné d'Alafolix. Ce que l'on retient, c'est que Brutus a tenté mille fois d'assassiner César, son père, comme Thomas Langmann a sans doute rêvé d'assassiner le sien. Mais en fin de compte, c'est toute la famille qu'il a tuée. À grands coups d'ennui.