Il y a ceux qui aiment et ceux qui aiment moins, ceux qui adorent et ceux qui détestent. L'accueil réservé au film Les 3 p'tits cochons par la presse française cette semaine s'apparente à celui des médias québécois il y a un an: plutôt favorable, avec quelques (tonitruants) bémols.

C'est aussi un accueil qui n'est pas sans rappeler l'une des positions officieuses de la France (où le film a pris l'affiche mercredi) vis-à-vis du projet d'indépendance du Québec: la «non-indifférence». C'est déjà pas mal pour une tragicomédie populaire dont on doutait sérieusement du potentiel à intéresser un public outre-Atlantique (et encore davantage la critique).

En revanche, pour ce qui est de la traditionnelle «non-ingérence» des Français dans les affaires québécoises, on repassera. J'en veux pour preuve la critique expéditive des Inrockuptibles, ex-bible de la branchouille parisienne, qui ne se contente pas d'assassiner le film «lourd et convenu» de Patrick Huard, mais égratigne dans la foulée le cinéma québécois tout entier.

Hormis «l'exception télévisuelle» que constitue Minuit, le soir, selon les Inrocks, «le cinéma de la Belle Province fait toujours peine à voir». «Heureusement, ironise l'hebdomadaire, il y a la chanson (Garou, Isabelle Boulay, Céline Dion, Lynda Lemay).»

Je ne volerai pas aujourd'hui au secours des 3 p'tits cochons, un film correct, sans plus, dont le scénario m'a paru particulièrement prévisible et peu subtil. Mais je n'excuserai pas pour autant le jugement péremptoire et sans fondement des Inrocks.

Juger de la qualité du cinéma québécois à l'aune de quelques gags douteux des 3 p'tits cochons équivaut à mesurer la vitalité de la cinématographie française sur la seule base des inepties d'Astérix aux Jeux olympiques. Cela ne relève pas seulement de la généralisation hâtive, de l'ignorance crasse et du ridicule (qui ne tue pas), mais de la pure malhonnêteté intellectuelle.

Il ne faut pas avoir vu beaucoup de films québécois - dont l'excellent Tout est parfait, en DVD mardi prochain -, pour écrire pareille connerie. De la même façon qu'il faut être particulièrement mal intentionné (ou mal informé) pour résumer la «chanson québécoise» à Garou, Céline Dion et Lynda Lemay.

C'est pourtant ces mêmes Inrocks qui faisaient récemment l'éloge de Malajube et de Karkwa, qui n'ignorent pas l'existence de Jean Leloup, Richard Desjardins et Pierre Lapointe, et qui célèbrent depuis des années, jusqu'à plus soif, le moindre artiste de la «constellation» Godspeed, les Arcade Fire et autres Wolf Parade montréalais.

De la part d'un magazine comme Paris-Match, on ne s'est pas étonné de la désormais célèbre confusion entre le 400e anniversaire de Québec et celui du Québec (ni même que son rédacteur en chef refuse de reconnaître sa monumentale bourde). Mais d'un hebdo culturel qui prétend à un minimum de crédibilité, je m'attendais à davantage de rigueur et à beaucoup moins de mépris.

Le Festival de Madame Minou

Dans la pénombre, aux premières rangées de l'Impérial, une vieille dame criait: «C'est magnifique! Bravo!» Impossible de ne pas la remarquer. La crinière rousse serrée en queue de cheval, les joues tombantes, la tête dans les nuages. Madame Minou. LA Madame Minou, astrologue-numérologue bien connue des insomniaques qui fréquentent TQS tard le soir.

Elle n'en avait que pour la nouvelle affiche du Festival des films du monde. Entre le fauvisme et le naturalisme, tendance rétro-kitsch, l'affiche présente une chatte du nom de Cléopâtre, coiffée d'un chapeau et de lunettes 3-D. Mon collègue Marc-André Lussier s'en est savoureusement moqué sur son blogue. (Je n'aurais moi-même pas de difficulté à croire que cette affiche décorait jadis la salle de bains privée de Youri Andropov au Kremlin.)

Ce fut le moment le plus excitant de la conférence de presse du FFM, mardi.

De sa voix monocorde, Serge Losique nous a présenté avec une petite pointe pour Toronto (non compétitif) les candidats de sa compétition officielle, «le fer de lance de tout festival, que ce soit Venise, Cannes ou Berlin; c'est la même chose à Montréal». À la différence qu'à Venise, Cannes ou Berlin, les cinéastes qui concourent ne sont pas tous ou presque de parfaits inconnus.

Ce sera donc encore une fois, faute de moyens, de rayonnement et de renouveau, un festival de «découvertes» (terme fourre-tout cherchant à dissimuler le fait qu'il n'y a plus de cinéastes établis prêts à venir présenter leurs films en primeur à Montréal). Un triste sort auquel nous nous sommes tous résignés (sauf Serge Losique, qui fait preuve d'un proverbial aveuglement), mais qui ne nous fait pas moins regretter la belle époque où le FFM comptait encore sur la planète cinéma.

Parmi les titres glanés dans la programmation: les québécois Ce qu'il faut pour vivre de Benoît Pilon, d'après un scénario de Bernard Émond, et En plein coeur de Stéphane Géhami (en compétition). Puis, hors concours: Le voyage aux Pyrénées des frères Larrieu, Mes stars et moi de Laetitia Colombani, Maradona par Kusturica, le dernier Tulio Gordana, Passe Passe de Tonie Marshall, Back Soon de Solveig Anspach, Vicky Cristina Barcelona de Woody Allen (qui prendra l'affiche peu après) ou encore Le banquet de Sébastien Rose (en séance spéciale).

En espérant que l'on dénichera parmi tous ces titres «l'un des films les plus innovateurs de l'histoire du cinéma» (épithète réservée mardi au Grand Prix des Amériques de 2007, Ben X, par Serge Losique, qui n'a pas l'habitude de faire dans la demi-mesure) et qu'on finira par s'exciter tout autant que Madame Minou.