Le visage de la relationniste s'est tordu de douleur, comme si un de nous lui avait arraché le coeur à mains nues. Quoi? Il manque de chaises? Mais où s'assoira Anne Hathaway?

Excellente question. Et nous, les reporters? Nous étions une dizaine plantés autour d'une table sans fauteuil à attendre la star de Rachel Getting Married de Jonathan Demme (Le silence des agneaux, Philadelphie), qui ne récolte que des éloges depuis sa première nord-américaine au Festival de Toronto. Bon, les chaises arrivent enfin. Et, ta-dam, voici Anne Hathaway, d'un chic fou avec sa blouse ample, ses skinny jeans et ses stilettos noirs.

L'actrice de 25 ans ressemble bien plus à une délicate princesse de Manhattan qu'à Kym, la junkie tatouée, bourrue et négligée qu'elle incarne brillamment dans Rachel Getting Married, dont la trame suit beaucoup celle de Margot at the Wedding de Noah Baumbach.

Après neuf mois en cure de désintoxication fermée, Kym (superbe Hathaway) décroche une permission d'un week-end pour assister au mariage de sa soeur aînée Rachel (Rosemarie DeWitt). Son cahoteux retour à la maison familiale du Connecticut remuera de douloureux souvenirs, dont un particulièrement horrible que la mère du clan (excellente Debra Winger) n'a pas oublié.

La proposition de Demme - caméra à l'épaule, montage brut et éclairages naturels, donc très près du Dogme de Lars Von Trier - ne plaira pas à tous les cinéphiles. Surtout ceux allergiques à la facture plus «documentaire». En fait, Demme catapulte sur un grand écran un film de famille qu'il a tourné, avec peu de moyens, dans l'univers bourgeois de Kym et Rachel. Ça pleure, ça rigole, ça s'engueule et ça se tape dessus. Et ça s'étire aussi, une des grosses faiblesses du film. Mais, bon.

Anne Hathaway, qui a engraissé de quelques kilos pour le rôle, y crève l'écran. «J'ai toujours su que je voulais obtenir des rôles plus sérieux. Et j'ai été chanceuse. Grâce à Jonathan, j'ai pu porter des tatouages très cool, j'ai arrêté de m'entraîner, j'ai mangé plein de glucides et, évidemment, c'est là que les tabloïds ont publié une photo de moi en bikini», détaille Anne Hathaway, découverte dans des films plus familiaux comme Ella Enchanted et The Princess Diaries.

Dans Rachel Getting Married, Anne Hathaway fourre au fond du placard ses tenues Prada et casse son image de parfaite: elle fume comme une cheminée, sacre aux deux phrases et arbore un teint quasiment cadavérique. Et la rumeur la propulsant aux Oscars? «Je n'ai jamais eu de buzz comme ça autour de moi. C'est clair que je suis énervée», lance, en riant, la charismatique comédienne.

Pro-Obama

Disparue des écrans depuis près de 10 ans, Debra Winger, 53 ans, a profité du Festival de Toronto pour discuter politique. «Je veux qu'Obama soit le prochain président. J'ai travaillé pour lui pendant les primaires. Il faut dire aux jeunes combien c'est crissement (fucking) important de voter», martèle celle qui a connu la gloire dans Terms of Endearment. 10-4, chère Debra.

Même discours, mais encore plus enflammé, chez Spike Lee, qui portait un t-shirt - blanc - du candidat démocrate. «Beaucoup de choses ont préparé le terrain pour Barack Obama. Nous la trouverons, notre terre promise. Aujourd'hui, beaucoup de gens ne partagent plus les valeurs de leurs parents. Et tous ces jeunes Blancs qui achètent 80 % des CD de hip-hop, ils vont voter pour la première fois», remarque le cinéaste qui a tourné Do the Right Thing, Jungle Fever et Malcolm X.

Son dernier projet? Miracle at St. Anna, un drame de guerre peu conventionnel qui dure 2h30 et qui a été tourné en anglais, en italien et en allemand. Comprendre: beaucoup de sous-titres. Pas étonnant que Spike Lee ait principalement puisé son financement en Europe, Hollywood boudant ce type de film au potentiel commercial restreint.

Miracle at St. Anna, adapté du roman de James McBride, s'inspire des Buffalo Soldiers, un bataillon de soldats afro-américains qui a servi de chair à canon en Toscane pendant la Deuxième Guerre mondiale. Anecdote, ici: les nazis ont massacré 560 villageois italiens - dont plusieurs vieillards et enfants - à Sant'Anna di Stazzema, le 12 août 1944. «Nous avons tourné à l'endroit précis où la tuerie a eu lieu. Nous avons senti les esprits des 560 personnes qui y ont été abattues. Les Buffalo Soldiers font partie de l'histoire qui nous amène jusqu'à Barack Obama», indique Spike Lee.

J'ai...

... adoré Burn After Reading des frères Coen. Un film hyper comique, complètement loufoque et chauffé à pleine vapeur par une distribution étincelante: George Clooney, Brad Pitt, Tilda Swinton et Frances McDormand. Chapeau.

... versé une larme pendant The Secret Life of Bees. Un film doux et sucré, qui déborde de bons sentiments et d'humanité. Bref, un divertissement familial de qualité. Sophie Okonedo (Hotel Rwanda, Dirty Pretty Things), qui se glisse dans la peau d'une aide-cuisinière au grand coeur, vous arrachera des sanglots. Et la chanteuse r'n'b Alicia Keys s'y débrouille fort bien.

... détesté Greg Kinnear en entrevue. Absent, peu loquace et impatient, l'acteur de 45 ans n'avait rien à cirer de promouvoir Ghost Town, une comédie très très ordinaire mettant aussi en vedette Ricky Gervais (The Office) et Téa Leoni, l'épouse de David Duchovny. L'histoire? Un dentiste détestable (Gervais) meurt pendant sept minutes et ressuscite miraculeusement. Conséquence: il voit maintenant des fantômes, dont un persistant (Kinnear, linéaire), qui l'implique dans un invraisemblable ménage à trois avec son ex-copine (Leoni). Avouez maintenant qu'un traitement de canal semble beaucoup moins souffrant, non?