Le film W., à l'affiche vendredi prochain, est une caricature à gros traits. Un portrait sans nuance du 43e président des États-Unis et de la plupart de ses conseillers. Personne n'en sera surpris. Il s'agit, après tout, d'un film d'Oliver Stone.

Le cinéaste de Platoon, qui n'a guère eu la main heureuse depuis JFK (1991), revient à la biographie filmée (Nixon, The Doors, Alexander). Son film retrace le parcours de George W. Bush, de jeune noceur à président impopulaire, de redneck du Texas à «newborn» de la Maison-Blanche, de jeune inculte qui parle la bouche pleine... à vieil inculte qui parle la bouche pleine.
W. n'est pas tant une oeuvre cinématographique qu'une démonstration, lourde, empesée, laborieuse, des ratés de la présidence Bush fils. Pour peu qu'on s'intéresse à la politique américaine, on n'y apprend rien ou presque.

Oliver Stone y dépeint George W. Bush comme un être profondément naïf, engagé en Irak «afin de rendre le monde meilleur», sans réelles mauvaises intentions. Un benêt pratiquement illettré, guidé essentiellement par sa foi, imbu de son autorité, mais incapable de prendre la moindre décision sans ses conseillers.

La principale thèse du film d'Oliver Stone se résume à ceci: Bush fils, sous-estimé de tout temps par son père (qui lui préfère son frère Jeb), a voulu réussir où celui-ci avait échoué, en faisant tomber le régime de Saddam Hussein. Il s'est enlisé dans la guerre en Irak, aveuglé par ses instincts de vengeance, mais surtout par des conseillers assoiffés de pouvoir, qui l'ont convaincu que Saddam Hussein possédait des armes de destruction massive.

Confiance aveugle ou aveuglement volontaire? Oliver Stone privilégie davantage la première théorie. Son film est en ce sens moins une charge contre Bush lui-même que contre les têtes pensantes de son administration: Donald Rumsfeld, Karl Rove, Paul Wolfowitz, Dick Cheney, George Tenet. Les faucons, présentés uniquement comme des va-t-en-guerre machiavéliques, ont l'air tout droit sortis d'une parodie de Saturday Night Live.

Lors d'une rencontre de stratégie militaire, Paul Wolfowitz et Dick Cheney insistent jusqu'au ridicule sur le besoin de contrôler le pétrole au Moyen-Orient. «Quelle est notre stratégie pour sortir de l'Irak?» demande Colin Powell (Jeffrey Wright). «Il n'y en a pas. Nous sommes là pour rester», répond Dick Cheney (Richard Dreyfuss).

«Celui qui contrôle l'Iran, contrôle le pétrole et contrôle la planète», poursuit le vice-président. On a l'impression d'assister à un cours illustré de géopolitique mondiale pour les nuls. Ou de voir une pièce de théâtre tirée d'un film d'Austin Powers, tellement les dialogues sonnent faux. Une séquence de rêve, où George W. Bush se fait haranguer par son père avant de se réveiller hanté par le fait qu'il a terni la réputation de son illustre famille, frôle le burlesque.

Condoleezza Rice, dans l'objectif d'Oliver Stone, est réduite à une caricature de «yes woman» névrosée, plus rigide que tous les hommes d'influence de la Maison-Blanche. Seul Colin Powell s'en tire à bon compte, tentant de dissuader le président d'envahir l'Irak en le conseillant plutôt d'intensifier sa campagne en Afghanistan. «You brake it, you own it», dit-il à Bush à propos de l'Irak. On croirait entendre Barack Obama, musique mélodramatique en prime.

D'aucuns remarqueront avec raison que Stone aurait pu brosser un portrait encore moins flatteur du président sortant. En effet, on est loin des brûlots de Michael Moore. Bush fils est présenté comme un homme engageant, charmeur sudiste et mâle alpha dominant, qui a surmonté son alcoolisme pour faire le Bien.

Josh Brolin (No Country for Old Men) est parfaitement crédible dans le rôle de Dubya, même s'il en fait parfois beaucoup. À l'occasion de certains discours, sa ressemblance avec le président américain est frappante: dans le ton, la posture, même le regard. Il reste que W. semble une vision simpliste et manichéenne de ce que furent les années Bush.

Le président des États-Unis y est dépeint comme une marionnette écervelée, manipulée de tous bords tous côtés. Un pécheur repenti, convaincu d'avoir accédé à la présidence par «intervention divine», qui termine tous ses meetings avec une prière.

Oliver Stone insiste beaucoup sur le rôle de la religion dans la présidence de George W. Bush. Mais même s'il le montre parfois sous ses traits plus enjôleurs, il sous-estime à mon avis la bête politique qu'est devenu avec le temps l'ancien gouverneur du Texas. L'inculture du personnage n'a plus à être démontrée, mais on ne devient pas président des États-Unis sans flair politique.

Malgré les faiblesses de son scénario, Stanley Weiser nous offre quelques scènes savoureuses. «Qui penses-tu être? Un Kennedy? Tu es un Bush. Agis comme un Bush!» dit Bush père à son fils après une de ses nombreuses frasques. Weiser fait de l'anecdote du président s'étouffant sur un morceau de bretzel, une scène-clé de son scénario. Manière de dire que le cours de l'histoire aurait peut-être changé s'il n'avait pas recraché le morceau...

Au final, W. reste un film mineur, caricatural à outrance, qui malgré son sujet controversé, ne devrait provoquer ni scandale ni enthousiasme. Un coup d'épée dans l'eau, en somme. Pour un président dont on n'a pas fini de mesurer la lourdeur de l'héritage.

Premier coup de coeur

Le menu du 37e Festival du nouveau cinéma, qui roule depuis mercredi, est particulièrement alléchant. J'y ai déjà fait une première découverte, Rachel Getting Married de Jonathan Demme (Philadelphia, The Silence of the Lambs). Une chronique familiale douce-amère, filmée à la manière échevelée du Dogme, tragicomique, intelligente, touchante, mettant en vedette Anne Hathaway dans le rôle d'une junkie qui prend congé de sa cure de désintoxication pour assister au mariage de sa soeur aînée. Plus d'un conflit se profile à l'horizon...