Dans une envolée très drôle et très distrayante au sujet de Madonna à On fait tous du show-business, René Homier-Roy, soupçonnait cette «manipulatrice de génie» d'avoir ni plus ni moins programmé son divorce avec Guy Ritchie, au moment où son premier film en tant que réalisatrice doit prendre l'affiche. Wow!

Peut-être suis-je encore bien naïf, mais j'ai du mal à croire à tant de perversité. D'autant plus que la Material Girl évoque partout le caractère modeste - un mot qui fait pourtant rarement partie de son vocabulaire - de Filth and Wisdom, une production à petit budget, d'abord présentée au Festival de Berlin l'hiver dernier, et plus récemment au Festival du nouveau cinéma de Montréal. Si les soupçons de l'animateur de C'est bien meilleur le matin devaient faire écho à la réalité, cette stratégie fut alors incroyablement mal aiguillée.

La veille du premier des deux spectacles qu'offrait la reine de la pop à Montréal cette semaine, dans le cadre de sa tournée Sticky&Sweet, les Films Séville annonçaient l'annulation de la sortie en salle de Filth and Wisdom, prévue le 31 octobre. «Straight to DVD», la madone.

Le distributeur évoque les résultats très décevants obtenus aux États-Unis, où le long métrage a déjà pris l'affiche dans l'indifférence générale. On ne comptait pas non plus sur la présence en ville de Madonna pour susciter un engouement, aussi minime soit-il, autour d'un film dont l'une des vedettes est Eugene Hütz, le leader du groupe Gogol Bordello.

Ce triste dénouement illustre le rapport conflictuel qui existe depuis toujours entre Madonna et le cinéma. La star s'obstine à vouloir se construire une crédibilité dans un domaine où son flair naturel - et le talent qu'elle met à l'exploiter - ne lui est visiblement d'aucune utilité. Je n'ai pas encore eu l'occasion de voir Filth and Wisdom, mais il est manifeste que cette première réalisation ne parviendra pas à cautionner l'ambition qu'a la chanteuse de s'imposer en tant qu'artiste multidisciplinaire.

Au cinéma, Madonna a toutes les caractéristiques du «one hit wonder». Après Desperately Seeking Susan, où elle était remarquable parce que le personnage se confondait avec la personne, son incursion dans le septième art n'est qu'une suite de ratages successifs. À part Evita, où Alan Parker a su la diriger correctement, et Truth or Dare, ce document qui explique tout ce qu'elle est, Madonna s'est constamment couverte de ridicule au grand écran.

Des titres? Shanghai Surprise, Body of Evidence (celui-là faisait particulièrement mal!), The Next Best Thing, Swept Away... Alors qu'elle règne, souveraine, depuis un quart de siècle sur le monde de la pop, la diva en a toujours voulu encore plus, pensant probablement que sa légitimité d'artiste passait nécessairement par le cinéma ou la littérature. Je me souviens l'avoir vue trembler de tous ses membres le soir où elle a interprété la chanson de Dick Tracy à la cérémonie des Oscars, un peu comme si elle y remettait carrément son statut - sa vie - en jeu.

Dans un article que lui a consacré le magazine français Studio le mois dernier, Madonna révèle qu'il n'est plus possible pour elle d'être actrice, étant donné que sa notoriété empêche le public de voir ses films pour ce qu'ils sont. Elle déclare aussi que Filth and Wisdom est un outil d'apprentissage en vue d'un projet de réalisation plus lourd.

On a pourtant du mal à croire que cette femme puisse un jour avoir la volonté de s'effacer derrière une caméra, elle qui, clairement, ne vit que pour être devant.

En attendant le chaos

Tout juste avant la sortie de son troisième long métrage Elle veut le chaos, qui prendra l'affiche le 5 décembre, la Cinémathèque québécoise consacre une rétrospective à Denis Côté et lui donne aussi carte blanche. Une occasion rare de voir notamment ses nombreux courts métrages (regroupés en un programme le 29 octobre à 18 h 30), mais aussi la chance d'entrer dans l'univers de l'un des esprits les plus singuliers de notre cinéma.

Au programme de la carte blanche (1er au 12 novembre), des oeuvres signées, entre autres morceaux choisis, par Makk (Love), Pialat (le très rare Le Garçu), Forcier (L'eau chaude, l'eau frette), Bonello (Tiresia), Dreyer (Ordet) et Franju (Les yeux sans visage). Qui a dit que la cinéphilie était morte?