Mise en scène minimaliste, traitement monochrome, dialogues truculents et quelques images «fortes» (celle d'un gars tellement flexible que... enfin, vous voyez le genre).

Kevin Smith, parce qu'il avait du bagout, de l'humour, un sens de la provocation, est devenu l\'enfant chéri de Sundance (où il a été sacré meilleur réalisateur pour Clerks, en 1994). Le héros des amateurs de BD de super-héros, l'idole des jeunes rats de cinémathèque, la preuve vivante qu'un gros slacker de banlieue à la coupe Longueuil peut devenir une star mondiale grâce à un bon flash.

Clerks, c'est vrai, était un sacré bon flash. Un long métrage inventif, truffé de délicieuses répliques sur les relations hommes-femmes, réalisé avec trois bouts de ficelle, en trois semaines, pour moins de 30 000$. Malgré (ou grâce à) son amateurisme, le film a engrangé 6 millions de dollars de recettes mondiales pour un studio, Miramax, qui n'en demandait pas tant.

Ce sont aussi les frères Weinstein qui produisent, sous leur propre nom, le dernier-né de Kevin Smith, Zack and Miri Make À Porno (notre critique en page 7). L'histoire d'un gros slacker de banlieue qui décide de tourner un film avec très peu de moyens, la nuit dans un café où il est caissier. Tiens, ça me rappelle quelque chose...

Zack and Miri Make À Porno
est différent de Clerks à bien des égards. Le film a été tourné en couleur, dans plusieurs lieux, avec des acteurs professionnels, certains d'entre eux du cinéma porno (l'ex-starlette du XXX, Traci Lords, entre autres). Comme son nom l\'indique, Zack and Miri Make À Porno raconte les aventures de deux colocataires, des amis d'enfance, qui décident de tourner un film hardcore pour payer leur loyer.

Piste intéressante pour un film franchement médiocre qui, sous ses airs irrévérencieux, a tout de la comédie romantique conventionnelle avec morale fleur bleue à la clé. On est loin, dans le même registre, de l'efficacité de Knocked Up, qui mettait aussi en vedette Seth Rogen.

Ce que l'on constate surtout en voyant Zack and Miri..., c'est le peu de chemin cinématographique parcouru par Kevin Smith depuis Clerks. Le cinéaste a beau avoir presque 40 ans, ses films restent prisonniers d'un humour adolescent attardé, vulgaire et scatologique. C'était vrai de Mallrats, de Jay and Silent Bob Strike Back et de l\'imbuvable Dogma. C'était même vrai, dans une moindre mesure, de Chasing Amy et de Jersey Girl, bide parmi les bides qui partage avec Zack and Miri la même inclination pour le romantisme à l'eau de rose (aussi vulgaire, à mon sens, que l'humour scatologique).

Que Kevin Smith n'ait pas davantage évolué comme cinéaste est dommage. Parce que Smith, contrairement à son personnage fétiche de Silent Bob, a des choses à dire, de l'esprit, un sens aigu de la répartie, comme le démontrent les conférences qu'il donne depuis un moment dans les collèges et les universités.

Kevin Smith peut être très pertinent, éloquent et comique. Ce n'est malheureusement pas apparent dans ses films, qui ont le grand défaut de trop rarement faire rire. Trop souvent, Smith choisit la facilité. Combien de douches de merde peut-on filmer dans une carrière de cinéaste?

À force de voir les mêmes blagues douteuses dans ses films, j'ai fini par me dire que Kevin Smith, malgré ses hordes de fans, n'était l'homme que d'un seul flash. C'est triste.

La chose qui cloche


On ne peut accuser Clint Eastwood de manquer d\'inspiration. De Charlie Parker aux tranchées japonaises, en passant par le ring de boxe, le western et les ruelles de Boston, ce vieux routier (78 ans) a touché à tous les genres cinématographiques.

Son plus récent film, Changeling, raconte l'histoire vraie d'une femme courageuse, Christine Collins (Angelina Jolie), qui rentre à la maison, un soir de 1928, pour découvrir que son fils de 9 ans, Walter, a disparu.

Cinq mois plus tard, la police de Los Angeles retrouve un garçon qu'elle présente aux médias comme le fils de Mme Collins. Sauf qu'il ne s'agit pas de Walter. Afin de s'éviter un fiasco de relations publiques, le LAPD, corrompu à l\'os, «oblige» Christine Collins à prendre en charge ce garçon qu'elle ne connaît pas. Devant ses objections répétées, la police la fait ensuite passer pour une mère indigne qui refuse de reconnaître son enfant.

Le drame de Christine Collins, qui a dû se battre pour faire reconnaître ses droits, est tout entier dans le jeu émouvant d'Angelina Jolie. Clint Eastwood traite le sujet avec sobriété, comme à son habitude, de manière classique, sans toutefois éviter une certaine forme de racolage qui finit par agacer. Quand les bons sont trop bons et les méchants sont trop méchants, c'est qu'il y a quelque chose qui cloche.

Un objet singulier


Olivier Asselin est un styliste. Un cinéaste qui privilégie le parti pris formel. Son Capitalisme sentimental, un exercice de style original, fantaisiste, embrasse les conventions théâtrales, la comédie musicale, la fable, pour un résultat portant une signature unique.

En 1929, Fernande Bouvier, femme ordinaire, vit des aventures extraordinaires. Des années folles à la Grande Dépression, son sort est lié, bien malgré elle, au sort de la Bourse et du krach. Son parcours invraisemblable se pose en métaphore des dangers de la spéculation et des limites de l'économie de marché. Un sujet drôlement d'actualité.

Un capitalisme sentimental, malgré ses indéniables qualités, est à ranger au rayon de «ces films qui me dépassent». Trop de ruptures de ton pour soutenir mon attention, un scénario à mon sens alambiqué, un bilinguisme et des accents variés qui alourdissent le récit. Bref, je n'ai pas été emballé. Mais je considère que cet objet cinématographique singulier mérite une attention particulière. Peut-être que vous y serez davantage sensible que moi. Bon week-end de cinéma.