C'est la toute première image d'Il était une fois dans l'est. C'est l'été. Il fait chaud. Une femme corpulente est «accotée su'a galerie», le regard un peu perdu, attendant visiblement quelque chose. Le téléphone sonne. Cette femme, vêtue d'une modeste «robe de maison», pose alors fermement sa bouteille de Coke par terre et se déplace avec toute sa graisse pour aller répondre, la colère entre les dents.

En quelques secondes à peine, Manda Parent, celle-là même qui fut de la «bande à Guimond», venait d'exposer son talent de tragédienne, aussi remarquable qu'insoupçonné. Et elle imposait d'emblée, sous la direction d'André Brassard, qui signait là son premier long, une Germaine Lauzon d'anthologie.

Je n'avais pas revu ce film, dont le scénario est tiré des premières pièces de Michel Tremblay, depuis au moins 100 000 ans. J'ai pu m'y replonger cette semaine grâce à une copie impeccable, présentée dans un format qui respecte tous les attributs originaux de cette flamboyante comédie dramatique.

En prime, j'ai même pu voir pendant quelques minutes Gilles Renaud (le «Cuirette» à Hosanna), porter un regard rétrospectif sur ce film issu des années 70, et j'ai aussi pu entendre Brassard dire qu'il s'agit sans doute là de l'une des meilleures choses qu'il a faites dans sa vie.

Une nouvelle collection en DVD? Même pas. Il était une fois dans l'est fait partie de la trentaine de classiques du cinéma québécois restaurés et numérisés, maintenant offerts aux cinéphiles via le projet Éléphant, disponible sur Illico, le service numérique de Vidéotron. Annoncé en grandes pompes il y a un an et demi, Éléphant a finalement vu le jour plus tard que prévu. Mais le projet, inauguré il y a un peu plus de deux semaines, s'annonce ambitieux et très prometteur.

En parcourant la liste des productions disponibles (tous les titres sont aussi offerts en HD), le cinéphile aura parfois l'impression d'avoir touché le Saint Graal. En effet, plusieurs des longs métrages proposés sont toujours inédits en DVD. C'est notamment le cas de Bar salon d'André Forcier, et aussi de quelques films de Gilles Carle, parmi lesquels certains titres phares: La mort d'un bûcheron, La vraie nature de Bernadette, La tête de Normande Saint-Onge...

Quelques-unes de ces productions ont par ailleurs déjà eu droit à leur DVD mais leur passage à Éléphant constitue indéniablement une valeur ajoutée. Un exemple? Gina. Le film de Denys Arcand était apparu en DVD il y a trois ans dans une copie tout simplement honteuse. Gina fait aujourd'hui partie du catalogue d'Éléphant dans un format qui respecte l'original, accompagné de surcroît d'une interview du cinéaste...

À l'aune de cet excellent projet, qui confirme, comme si besoin était, qu'il est possible de faire un travail sérieux dans le domaine de la restauration et d'en offrir les fruits au public cinéphile, je comprends toujours mal pourquoi les films québécois du passé restent encore si rares en DVD.

Et puisque nous sommes dans le domaine de la diffusion, permettez-moi ici un petit aparté: il est inconcevable que des chaînes payantes spécialisées en cinéma (Super Écran, The Movie Network et compagnie) s'obstinent à présenter trop souvent leurs films dans un format «plein écran».

Non seulement s'agit-il d'une atteinte grave à l'intégrité artistique des oeuvres (on ne le répétera jamais assez), mais le «plein écran» ne convient plus du tout aux appareils qui se sont implantés dans les foyers depuis quelques années.

Mais revenons à notre gros mammifère, dont le mandat est d'honorer la mémoire de notre cinématographie.

Piloté par la productrice Marie-Josée Raymond, en collaboration avec Claude Fournier, le projet Éléphant est évidemment appelé à se développer au fil des ans; la banque comptant environ 800 fiches de films.

Si on poursuit sur cette lancée, la collection sera proprement exemplaire. En attendant, vous pouvez toujours commencer par redécouvrir une nature d'actrice, nommée Manda Parent, dans un film pour le moins étonnant.

Encore privés de Césars!

Il fallait s'y attendre. Pour une deuxième année, la cérémonie des Césars, qui récompense les artisans du cinéma français, ne sera pas vue au Québec. TV5, qui a diffusé cette cérémonie pendant une vingtaine d'années, ne parvient toujours pas à s'entendre avec Canal ", le diffuseur français, qui demanderait trop cher en regard des auditoires que de telles émissions attirent chez nous.

La prochaine cérémonie des Césars, qui aura lieu le 27 février au Théâtre du Châtelet à Paris, sera présidée par Charlotte Gainsbourg. Marc-André Grondin, déjà présélectionné, pourrait faire partie des cinq finalistes dans la catégorie «espoir masculin» grâce à sa performance dans Le premier jour du reste de ta vie. Les nominations seront annoncées le 23 janvier.