Ce n'est pas parce que ça va mal que ça ne va pas bien. Je fais référence ici au dossier de ma collègue Anabelle Nicoud sur la «Grande déception» du cinéma québécois en 2008.

C'est un fait, le cinéma québécois a connu de meilleures années, tant en ce qui concerne sa popularité que sa santé financière. Des distributeurs ont eu des difficultés, nos films se sont peu (ou mal) exportés, les Américains ne sont pas venus tourner chez nous, la grande boîte du box-office québécois s'est peu remplie... Alouette!

D'un strict point de vue commercial, 2008 est sans doute à ranger dans la colonne du passif du bilan du cinéma québécois. Un instituteur inscrirait en marge de son cahier Canada: «Peut faire mieux.» Mais qu'en est-il des films, objets du désir des passionnés des salles obscures? Pour mesurer la santé d'une année cinématographique, il n'y a pas meilleur indicateur.

Or, pour l'ensemble de son oeuvre en 2008, le cinéma québécois mérite à mon avis la mention «bien».

Parce qu'il a offert un menu très varié et souvent relevé, grâce à des films de genre comme Truffe de Kim Nguyen, un exercice de style tragicomique façon série B, Un capitalisme sentimental d'Olivier Asselin, un tour de force formel doublé d'une métaphore des excès de l'économie de marché, ou encore Elle veut le chaos de Denis Côté, une vision d'auteur minimaliste, cohérente et sans compromis.

Le cinéma québécois a aussi fait le plein de nostalgie, grâce à Maman est chez le coiffeur de Léa Pool, un très beau film sur l'enfance, la famille et la perte de l'innocence, C'est pas moi je le jure! de Philippe Falardeau, une oeuvre contemplative soigneusement réalisée et interprétée (ma découverte de l'année: Antoine L'Écuyer), et Un été sans point ni coup sûr de Francis Leclerc, qui a su, malgré certaines faiblesses, recréer avec force acuité la «belle époque» de la fin des années 60.

Benoît Pilon nous a certainement offert l'un des plus beaux longs métrages de l'année, l'émouvant Ce qu'il faut pour vivre, scénarisé par Bernard Émond, sur l'exil à Québec d'un Inuit tuberculeux (formidable Natar Ungalaaq, révélé il y a quelques années par l'excellent Atanarjuat de Zacharias Kunuk).

Aux succès critiques et populaires du sulfureux Borderline de Lyne Charlebois et du sympathique Dans une galaxie près de chez vous 2 de Philippe Gagnon s'ajoute la charmante fable fantastique Babine, de Luc Picard, qui malgré quelques ruptures de ton et couacs dans le scénario, a su bien rendre l'univers poétique de Fred Pellerin.

Le box-office québécois peut sans doute espérer des jours meilleurs avec les sorties successives de Babine et du premier long métrage - très attendu - de Claude Meunier, Le grand départ, qui doit prendre l'affiche le 19 décembre.

Soit, le cinéma québécois a aussi connu en 2008 son lot d'échecs et de demi-échecs, gracieuseté de l'indigeste Cruising Bar 2 (grand champion du box-office), de l'invraisemblable Ligne brisée, du mal-aimé Piège américain ou du confidentiel Cas Roberge.

Quelques films qui n'ont pas trouvé leur public en salle méritent cependant une deuxième vie en DVD. Je pense en particulier au Banquet de Sébastien Rose, un chassé-croisé tendu dans le monde universitaire, bien joué, bien réalisé, bien rythmé, efficace et dynamique, toujours sur le fil du rasoir et évitant la plupart des clichés propre au thriller. Que ce bon film n'ait pas davantage été vu reste pour moi un mystère.

Mais par-dessus tout, 2008 restera pour moi l'année, à marquer d'une pierre blanche, d'un authentique coup de coeur cinématographique: Tout est parfait d'Yves-Christian Fournier.

Un film dur et poignant sur le suicide des jeunes et sur le deuil qu'il provoque. Un premier long métrage coup-de-poing, bouleversant de réalisme et de désespoir. Une oeuvre parfaitement maîtrisée, dont la réalisation épurée, d'une âpreté de circonstance, est tout aussi brillante que le scénario, fin, juste, intelligent, de Guillaume Vigneault.

Tout est parfait fut pour moi un électrochoc inattendu. Ne serait-ce que pour ce film, je ne saurais considérer 2008 comme une «mauvaise» année pour le cinéma québécois. Pour tout dire, plus j'y pense et plus je suis convaincu du contraire.