Les sélectionneurs des Golden Globes ont infligé un camouflet au meilleur film américain de l'année. Ceux de la soirée des Oscars ont sauvé l'honneur en annonçant les finalistes des Academy Awards, jeudi.

Non, je ne vous parle pas de The Dark Knight, film d'action qui en met plein la vue - surtout en format Imax -, mais qui souffre d'un scénario sans queue ni tête (le personnage de Harvey Dent, interprété par Aaron Eckhart, frôle le ridicule).

Je suis de ceux qui, contrairement à mon ami Lussier, auraient trouvé risible la présence du Batman de Christopher Nolan parmi les finalistes à l'Oscar du meilleur film. Un Oscar posthume à Heath Ledger (vous pouvez parier un p'tit 20 $ là-dessus) est tout ce que ce divertissement surfait mérite.

Je ne vous parle pas non plus de Slumdog Millionaire, de Danny Boyle, plébiscité par les électeurs des Golden Globes il y a une quinzaine. Il s'agit certes d'un film populaire de qualité, sympathique, attachant, à la bande sonore irrésistible, mais maniéré, caricatural et plus lustré qu'une carte postale du Taj Mahal. Ce qui n'empêchera peut-être pas cette bluette cousue de fil blanc, portée par l'enthousiasme délirant d'une certaine critique, de remporter l'Oscar du meilleur film.

Non, le film dont je vous parle est Milk, de Gus Van Sant, boudé sans raison valable par les Golden Globes, qui a logiquement sa place dans les catégories de pointe de la soirée des Oscars (meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur scénario original, meilleur acteur et meilleur acteur dans un second rôle).

Les goûts ne se discutent pas, je le sais bien. Hordes d'adolescents, même d'âge adulte avancé, plaideront que The Dark Night est le meilleur film de tous les temps, toutes catégories confondues (devant Requiem for a Dream, Donnie Darko, The Sixth Sense, Fight Club et Pin-Pon le film...).

Selon moi, le film de l'année reste Milk, l'excellent drame biographique sur le militant Harvey Milk, premier élu ouvertement gai des États-Unis. Pour la finesse de Gus Van Sant, en contre-emploi, pour la justesse de Sean Penn, au sommet de son art, pour le scénario subtil et intelligent de Dustin Lance Black et la prestation troublante de Josh Brolin, méconnaissable en élu borné et frustré.

Cela dit, la sélection des Oscars ne m'apparaît pas particulièrement relevée cette année. Plusieurs bons films, mais très peu de films exceptionnels. On est loin du grand cru 2008, avec la bataille épique de There Will Be Blood et No Country For Old Men.

C'est une sélection sans surprises, à l'exception peut-être de l'exclusion de Revolutionary Road de Sam Mendes et de ses interprètes (Kate Winslet, magnifique, et Leonardo Di Caprio) des catégories les plus prestigieuses. Ils étaient tous finalistes au Golden Globes.

De mon côté, j'aurais souhaité meilleur sort à de vrais «petits films audacieux» - contrairement à Slumdog Millionaire, qui est à mon sens un film consensuel déguisé en «petit film audacieux» - tels que l'émouvant Rachel Getting Married de Jonathan Demme ou The Wrestler, de Darren Aronofsky, un vrai bijou de film d'auteur. Les interprètes Anne Hathaway et Mickey Rourke (époustouflant) sauvent un peu l'honneur des deux films. Même la chanson originale de Bruce Springsteen qui conclut merveilleusement The Wrestler a été snobée.

En vrac, les sélections qui font plaisir: Penélope Cruz pour son (second) rôle irrésistible d'amante rageuse dans Vicky Cristina Barcelona de Woody Allen, Man on Wire de James Marsh (meilleur documentaire) qui raconte à la manière d'un thriller la folle traversée des tours du World Trade Center par le funambule Philippe Petit, et celle de Michael Shannon (acteur dans un second rôle) en grand fou lucide dans Revolutionary Road.

La déception: l'absence de Ce qu'il faut pour vivre, le très beau film de Benoît Pilon, parmi les finalistes à l'Oscar du meilleur film étranger. Ce n'est pas vraiment une surprise. Avec des candidats de la trempe d'Entre les murs et de Valse avec Bachir, la compétition était forte.

Entre les oreilles
Laurent Cantet avait déjà connu l'état de grâce en 2001 avec L'emploi du temps, compte rendu irrésistible de la spirale de mensonges d'un fabulateur, inspiré d'un fait divers. Un premier long métrage réussi, Ressources humaines, l'avait révélé deux ans plus tôt. Après Vers le sud (2005), adaptation moins inspirée du roman de Dany Laferrière, il retrouve la grâce avec Entre les murs, Palme d'or du dernier Festival de Cannes.

Un faux documentaire d'une infinie finesse, inspiré de l'expérience et du livre d'un professeur de collège, François Bégaudeau, coscénariste du film, qui se révèle sous la direction de Cantet un acteur fort crédible.

La réalisation est impeccable, le jeu approximatif des acteurs non professionnels n'entame en rien le réalisme du récit, mais c'est surtout le scénario, privilégiant le questionnement aux réponses toutes prêtes, qui fait d'Entre les murs une oeuvre si forte.

Jusqu'où faut-il aller pour aider des jeunes à apprendre contre leur gré? Laurent Cantet a l'intelligence de laisser à chacun le loisir de répondre. Un très beau film. Qui fait réfléchir.

Grondin aux Césars
Bonne nouvelle. Marc-André Grondin sera finaliste au César du meilleur espoir masculin pour son rôle dans le joli film de Rémi Bezançon, Le premier jour du reste ta vie. Un rôle qui n'est pas sans rappeler celui qu'il tenait dans C.R.A.Z.Y., de Jean-Marc Vallée, et qui l'a révélé en France, où sa carrière a vraiment décollé cette année.

En entrevue hier matin, à l'antenne de Christiane Charette, Grondin ne m'a pas paru particulièrement secoué par la nouvelle. Les projets se bousculent. Il part en tournage pour cinq mois. On le verra bientôt au Québec dans le rôle de Régis Debray, dans le Che de Steven Soderbergh.

Une statuette, toute dorée soit-elle, ne changera rien à sa vie, nous a-t-il confié, la tête froide. Ce beau jeune homme a un bel avenir.

L'île déserte

Vous avez été une cinquantaine à vous laissez tenter par l'exercice des «20 films indispensables sur une île déserte» que je proposais la semaine dernière. Vingt films américains, de 20 réalisateurs différents, tous genres confondus.

À partir de vos listes, j'en ai dressé une toute nouvelle: The Breakfast Club de John Hugues, Buffalo 66 de Vincent Gallo, Down By Law de Jim Jarmusch, One Flew Over the Cuckoo's Nest de Milos Forman, Schindler's List de Steven Spielberg, Knocked Up de Judd Apatow, The Royal Tenenbaums de Wes Anderson, Leaving Las Vegas de Mike Figgis, Fight Club de David Fincher, Goodfellas de Martin Scorsese, Apocalypse Now de Francis Ford Coppola, American Beauty de Sam Mendes, The Graduate de Mike Nichols, Almost Famous de Cameron Crowe, À Streetcar Named Desire d'Elia Kazan, Vertigo d'Alfred Hitchcock, À Woman Under the Influence de John Cassavetes, Boyz'n the Hood de John Singleton, All the President's Men d'Alan Pakula et The Shining de Stanley Kubrick.

La réponse la plus inattendue d'un lecteur: «Hmm. Sur une île déserte, avec 20 films, j'aurais mis au moins un porno dans le lot...»