Tout n'est pas parfait. La liste des finalistes aux Jutra, dévoilée hier, témoigne assez fidèlement de la dernière année du cinéma québécois, marquée par de bons films et d'authentiques visions d'auteurs. Sauf que...

Sauf que Tout est parfait, d'Yves-Christian Fournier, selon moi le film québécois le plus abouti de 2008, n'a pas été retenu dans la catégorie du meilleur film des Jutra. J'en suis surpris et déçu, et je ne suis pas le seul.

La critique n'est pas porteuse de vérités absolues, tant s'en faut. Mais que le «film québécois de l'année», sinon des dernières années, de nombre de critiques ne soit pas sélectionné parmi les quatre meilleurs films québécois de la soirée des Jutra est pour le moins étonnant.

Ce qui l'est encore davantage, c'est que Tout est parfait n'ait pas été retenu parmi les meilleurs films alors qu'il se retrouve dans les catégories de la meilleure réalisation et du meilleur scénario. S'il devait d'aventure remporter ces deux Jutra, sans avoir été choisi dans la catégorie du meilleur film, on mesurerait l'absurdité de cette non-sélection.

La curieuse absence de Tout est parfait de la plus prestigieuse catégorie des Jutra n'est pas, du reste, la seule surprise de cette liste de finalistes. Les réalisateurs de deux des quatre longs métrages concourant au Jutra du meilleur film (Léa Pool et Philippe Falardeau) n'ont pas été sélectionnés dans la catégorie de la meilleure réalisation.

C'est pas moi, je le jure! est en nomination pour les Jutra du meilleur film, du meilleur scénario, de la meilleure actrice, du meilleur acteur de soutien et de la meilleure direction photo, mais pas pour celui de la meilleure réalisation. Or, la plus grande force du film de Philippe Falardeau est justement sa réalisation, minutieuse et subtile.

L'apparente incohérence de ces sélections est attribuable au mode de scrutin des Jutra, par votes des pairs plutôt que par jurys, qui prévoit que les réalisateurs votent pour les réalisateurs, les acteurs pour les acteurs et les distributeurs, exploitants de salles et producteurs pour le meilleur film.

«On n'aura jamais de choix parfaits», reconnaît Henry Welsh, délégué général de la Soirée des Jutra, qui défend néanmoins ce système de sélection «imparfait mais démocratique». Il a sans doute raison. Depuis 11 ans que les Jutra existent, ses électeurs ont rarement fait de mauvais choix. Sauf que rien n'est parfait...

Bien sûr, un autre film - je pense en particulier à l'excellent Ce qu'il faut pour vivre de Benoît Pilon - fera un lauréat tout à fait légitime et honorable pour le Jutra du meilleur film. Mais ne pas avoir sélectionné Tout est parfait parmi les finalistes reste selon moi une erreur.

C'est comme si No Country for Old Men n'avait pas été finaliste à l'Oscar du meilleur film l'an dernier. On ne se serait pas formalisé que There Will Be Blood soit sacré meilleur film à sa place. Mais on aurait difficilement accepté que le film des frères Coen soit complètement écarté de la compétition.

Il y a pire que de ne pas sélectionner le meilleur film de l'année dans la catégorie du meilleur film de l'année, ou de remettre ce Jutra à un long métrage dont le réalisateur n'a pas été retenu dans sa propre catégorie.

Je ne m'explique absolument pas comment Michel Côté a pu être choisi dans la catégorie du meilleur acteur pour Cruising Bar 2. Je ne remets pas du tout en question le talent incontestable de Michel Côté. Mais Cruising Bar 2, le film québécois le plus populaire de 2008, est aussi le pire film québécois de l'année.

Peut-on être le meilleur acteur de l'année dans le pire film de l'année? On n'est pas à un non-sens près.