Dans un épisode de la première saison de la délirante série télé Extras, Kate Winslet incarne son propre rôle. La grande actrice britannique joue en fait une version cynique, vulgaire et opportuniste d'elle-même.

Son contre-emploi est délicieux. Elle s'adapte de formidable manière au registre comique décalé des scénaristes Ricky Gervais et Stephen Merchant (The Office).

Extras, qui a repoussé les limites du «politiquement incorrect» à la télévision, relate le quotidien à la fois banal et peu banal d'Andy Millman (Gervais), un acteur sans talent condamné à jouer les figurants sur les plateaux de télé et de cinéma.

Dans ledit épisode, Andy est embauché comme figurant nazi dans un long métrage sur l'Holocauste. Kate Winslet, la tête d'affiche du film, interprète une nonne qui offre un gîte clandestin aux Juifs pendant la Deuxième Guerre mondiale.

L'actrice joue de manière empathique, toujours au bord des larmes, à grand renfort de pathos. Mais aussitôt que le réalisateur crie «Coupez!», elle se transforme en diva prétentieuse et salace. «Criss qu'il fait chaud, dit-elle après une scène de grande émotion dans une chapelle. J'ai les genoux en feu, sacrament!»

«Je trouve admirable que vous ayez accepté ce rôle, lui dit Andy, en costume d'officier SS, d'un ton obséquieux. Utiliser votre notoriété pour que l'Holocauste ne soit jamais oublié, c'est vraiment louable.»

«Mon Dieu! Je ne le fais pas pour ça, lui répond spontanément Kate Winslet. A-t-on vraiment besoin d'un autre film sur l'Holocauste? Il y en a eu combien? C'est bon, on a compris, c'était sinistre, passons à autre chose. Non, je le fais parce que j'ai remarqué que lorsqu'on fait un film sur l'Holocauste, on est assuré de recevoir un Oscar. J'ai été nommée quatre fois. Je n'ai jamais gagné. Le monde entier se demande pourquoi Winslet n'a pas encore d'Oscar. C'est pour ça que je le fais. La maudite Liste de Schindler, Le pianiste... Les Oscars leur pleuvaient du cul!»

La scène, d'un humour noir, caustique et désarmant, m'a beaucoup fait rire, lorsque je l'ai revue jeudi. D'autant plus que par un détour comique du destin, Kate Winslet se retrouve en nomination aux Oscars, à peine trois ans après la diffusion dudit épisode, pour un rôle d'ancienne gardienne de camp de concentration, dans The Reader de Stephen Daldry.

À moins d'une surprise, Kate Winslet remportera demain, grâce à ce beau film évoquant l'Holocauste, son tout premier Oscar.

«Hollywood exploite-t-il la Shoah pour attirer les votes des Oscars?» C'est la question délicate, mais légitime, que posait cette semaine un reportage de l'Agence France-Presse. Pas moins de cinq longs métrages de fiction traitant de l'Holocauste ont pris l'affiche en Amérique du Nord l'automne dernier, période privilégiée par les studios hollywoodiens pour faire mousser la candidature de leurs films potentiellement «oscarisables» auprès des électeurs des Academy Awards: The Reader, Valkyrie, Good, The Boy in the Striped Pajamas, Defiance et Adam Resurrected.

«C'est une tradition annuelle de la saison des Oscars de présenter des films sur l'Holocauste», constatait en novembre le respecté critique du New York Times A.O. Scott, en faisant remarquer que l'automne 2008 avait été particulièrement marqué par des films sur la Shoah. «Pourquoi croyez-vous que tous ces films prennent l'affiche en novembre et en décembre? Ce n'est pas parce que Hanouka approche.»

Lorsque The Reader a obtenu cinq sélections aux Academy Awards, fin janvier, le New York Times a utilisé l'expression consacrée «There's no business like Shoah-business» (inspirée du titre de la chanson d'Irving Berlin), la présentant comme «un truisme hollywoodien voulant que les films traitant de l'Holocauste augmentent toujours leurs chances de remporter un Oscar».

Il est vrai que récemment, plusieurs longs métrages de fiction portant sur la Shoah, sans compter quantité de documentaires, ont été salués par la soirée strass et paillettes du cinéma américain. Schindler's List de Steven Spielberg a reçu sept Oscars en 1994, La vie est belle de Roberto Benigni en a obtenu trois en 1999, comme Le pianiste de Roman Polanski en 2003. L'an dernier, les Faussaires de Stefan Ruzowitzky a remporté l'Oscar du meilleur film étranger.

«Il faut le dire: la raison pour laquelle il y a tellement de films sur l'Holocauste est qu'ils sont des appâts pour obtenir des récompenses», a regretté récemment le rédacteur en chef adjoint du journal The Hollywood Reporter, Andrew Wallenstein, à la radio publique NPR, en déplorant «l'exploitation» cinématographique de cette tragédie.

Exploite-t-on une tragédie lorsqu'elle nous inspire une grande oeuvre? Une question à méditer.

Le cul entre deux chaises

Pendant presque deux heures, Cadavres, le plus récent film d'Erik Canuel (à l'affiche depuis hier), hésite constamment entre comédie noire et drame burlesque, chronique familiale et film de genre sordide, ironie et humour scatologique. En ne prenant jamais réellement le parti de l'un ou de l'autre.

On le remarque non seulement dans le jeu inégal des acteurs et dans le scénario bancal et échevelé, mais dans la réalisation, qui valse maladroitement entre le minimalisme et le maniérisme, l'improvisation et la recette éprouvée, la fronde adolescente et une forme de conformisme.

Ce film au cul coincé entre deux chaises, qui rate trop d'occasions d'être drôle, m'a semblé manquer cruellement de liant. Franchement, je me demande à qui il s'adresse.