De la même manière qu'il existe de la politique partisane, il faut maintenant évoquer aussi la notion de cinéphilie partisane à Montréal. Je suis toujours stupéfait d'apprendre que plusieurs assidus du FFM ne fréquentent jamais un autre festival de cinéma. Je ne sais si c'est par souci de solidarité avec le tandem Losique-Cauchard ou tout simplement à cause d'un manque d'intérêt.

À l'opposé, certains cinéphiles «branchés», parmi lesquels quelques-uns de mes collègues critiques, préféreraient se faire amputer un bras plutôt que d'aller voir un film sélectionné par le FFM. Pour eux, seul compte le Festival du nouveau cinéma. Beaucoup de jeunes cinéphiles, eux, ont choisi un autre camp. Dans leur esprit, Fantasia est de loin le meilleur festival de cinéma à Montréal.

Comment réconcilier tout ce beau monde? Pas évident. L'appel de la ministre Christine St-Pierre, qui a demandé «à tout le milieu, artistique ou politique, d'être derrière ce festival qui apporte tant» lors de la soirée d'ouverture du FFM, n'aura bien entendu aucun écho. Cet élan de jovialisme était d'ailleurs assez étonnant de la part de madame la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine.

L'approche de ses prédécesseurs était plus réservée. Quand on pense au rôle qu'ont joué les organismes gouvernementaux dans la fameuse «saga des festivals» il n'y a pas si longtemps, pendant laquelle toutes les billes avaient été retirées du FFM, cette profession de foi emprunte des allures pour le moins étranges. Le gouvernement québécois abaisse ainsi toute sa garde. Une enveloppe de 720 000 $ a été donnée au FFM par Québec cette année, dont 270 000 $ proviennent de la SODEC. Ce n'est pas rien.

Les vieux

«Pis arrêtez donc de dire qu'on est vieux! On a le droit de vivre et d'avoir nos activités, nous aussi!» Au fil des ans, je me suis parfois fait prendre à partie par des assidus du Festival des films du monde. Rien de bien grave, rassurez-vous. Ces échanges sont même plutôt cordiaux, voire affectueux.

Certains spectateurs nous imputent parfois la responsabilité du déclin de leur festival favori. Comme la plupart des médias l'ont déserté depuis longtemps, il n'y a finalement pas beaucoup de boucs émissaires à qui exprimer ses doléances dans le blanc des yeux.

Dans la presse écrite, nous ne sommes plus que deux journalistes à couvrir la compétition du FFM dans son intégralité. Ma collègue du Devoir Odile Tremblay et moi aurons d'ailleurs sans doute droit un jour à une statue.

Dans sa chronique d'hier, mon ami Cassivi, que je remercie très sincèrement, en a rajouté une couche en constatant que le FFM était devenu un «festival de vieux». Non mais, c'est correct, Marc, le monde nous aime pareil. Sur mon blogue, un intervenant a écrit: «Le FFM, c'est pour les vieilles anglophones à la retraite qui sentent l'Aqua Velva et les vieux profs de littérature montréalais.» Assez fort pour elle, mais conçu pour lui, j'imagine. Cette perception est en tout cas bien tenace. Et se révèle presque aussi délicate et capiteuse que l'odeur que laisse dans son sillage la fameuse lotion après-rasage qu'évoquait le correspondant internaute.

Je comprends la colère de certains festivaliers. Si personne ne peut nier que le FFM a un grave problème de renouvellement du public, il reste que ce sont ces vétérans cinéphiles qui l'ont maintenu à bout de bras. Et ont assuré sa survie. Ils constituent le pilier le plus solide auquel s'arrime le navire. Les communautés culturelles de Montréal font le reste. Une fois l'an, ces dernières se donnent rendez-vous au FFM pour prendre des nouvelles du pays qu'ils ont un jour quitté. Tous ces gens restent fidèles au poste. Et trouvent visiblement leur compte dans une programmation «qui les fait voyager». Leur présence ne constitue pas le problème. C'est plutôt l'absence des autres qui en est un.

Cela dit, force est de constater que les salles sont beaucoup plus fréquentées qu'au cours des récentes années. On cherche les raisons de ce regain d'affluence. On voit mal comment la programmation, toujours aussi obscure et anarchique, aurait pu avoir un impact à cet égard. Une ligne directrice s'impose. Au générique du FFM, on compte 11 personnes dans le comité de programmation, «assistés de nombreux correspondants à travers le monde». Qui choisit quoi? Mystère.

Ce n'est pas qu'on insiste, mais je vous inviterais à aller vous balader quelques minutes sur le site internet du Festival de Toronto (tiff.net). Peu importe le titre du film sur lequel vous vous arrêterez, une page s'affichera dans laquelle pourrez lire les commentaires personnels du sélectionneur qui l'a retenu. Ça fait rêver.