Les clubs vidéo agonisent. Aux États-Unis, le géant Blockbuster, menacé de faillite au printemps, pourrait fermer jusqu'à 960 magasins d'ici la fin de 2010. La concurrence des machines distributrices de DVD est féroce. Redbox, une entreprise en pleine expansion, loue ses films 1 $ et comptera avant la fin de l'année 22 000 points de distribution, surtout dans des magasins à grande surface et des chaînes de restauration rapide.

Au Québec, l'invasion des distributrices est moins évidente, a constaté mon collègue Marc Tison dans un dossier sur la location de DVD publié hier, dans La Presse Affaires. Nombre d'entreprises de location de films par guichet automatique ont fait long feu dans le marché québécois et les grands acteurs (SuperClub Vidéotron notamment) hésitent à emboîter le pas à Blockbuster, qui intègre désormais des distributrices dans certaines de ses succursales.

Distributrices ou pas, la menace qui plane sur les clubs vidéo est tout aussi réelle au Québec qu'ailleurs. «Est-ce la mort des vidéoclubs?» écrivait cet été ma collègue Sylvie St-Jacques, dans la foulée de la fermeture d'une succursale de la Boîte noire, dans le Vieux-Montréal, et de plusieurs autres vidéoclubs, dont L'Entrepôt du DVD dans le Village gai. Sans doute à moyen terme, suis-je tenté de répondre.

Certains propriétaires de vidéoclubs interrogés par La Presse disent compter sur le bon vieux «contact humain», qui serait particulièrement prisé par les Québécois, pour assurer la survie de leur société. À leur place, je ne compterais pas trop sur les habitudes de socialisation de ma clientèle pour assurer ma pérennité. Si les Québécois avaient si besoin de «contact humain» dans le commerce, autant de commis de banques n'auraient pas été remplacés par des guichets automatiques.

J'écoute beaucoup de musique, même si je n'ai pas mis les pieds dans un magasin de disques depuis au moins deux ans. Je suis loin d'être le seul. Si moi, l'archétypal «techno-twit», j'arrive à télécharger de la musique en ligne, je ne vois pas pourquoi, d'ici quelques années, avec la démocratisation à vitesse grand V de l'accès aux films sur le web, les Québécois, adeptes ou pas de «contact humain», continueraient à se les geler, l'hiver, pour se rendre au vidéoclub du coin. Même si ce vidéoclub est remplacé par une machine distributrice.

Il fut un temps où je fréquentais le vidéoclub comme d'autres la cafétéria du bureau (j'ai habité un moment un appartement à un jet de pierre de la Boîte noire). Je me souviens de la première fois où, devant distinguer les jetons rouges (VHS) des jetons bleus (BETA), j'ai loué mon premier film. C'était dans le club vidéo d'un centre commercial de banlieue, je devais avoir 12 ou 13 ans, et si je ne me trompe pas, j'avais choisi Hot Dog, plus pour la silhouette de Shannon Tweed (Mme Gene Simmons) que pour le jeu des acteurs.

Je ne suis pas nostalgique de cette époque quasi révolue. Chercher, dans les allées d'un vidéoclub gigantesque, parmi des centaines de titres insignifiants et des effluves de pop-corn, un film intéressant que ni ma blonde ni moi n'avons vu, me procure autant de plaisir que de trouver le numéro d'un plombier dans les pages jaunes. Heureusement, il y a désormais, en matière de location de DVD, l'équivalent de Canada411 (zic.ca notamment). Reste à m'y mettre, comme du reste les autres «techno-arriérés» en mon genre.

La location de films se trouve clairement dans un marché de transition dont la machine distributrice est le symbole. L'accès à une technologie permettant de louer facilement, sans déplacement, à peu de frais, un film d'auteur comme un film commercial, change complètement la donne. Les sites de location par courrier ou par internet (à la Netflix), les services télévisuels sur demande (comme Illico), s'ils parviennent à diversifier une offre pour l'instant limitée, et le téléchargement, légal comme illégal, sonneront à plus ou moins brève échéance le glas des vidéoclubs.

Une chose, cependant, ne changera jamais. On aura beau nous relayer même gratuitement, par câble ou par satellite, sur un écran de 44 ou de 72 pouces, tous les films du monde, rien ne supplantera jamais l'expérience de voir un film dans une salle obscure de cinéma.