On ne vous dira pas tout ce qu'on a pensé du film Pour toujours les Canadiens, présenté hier soir en première mondiale devant 14 000 amateurs au Centre Belle-saison-pour-fêter-son-centenaire. Huis clos, comme dirait Jean-Paul Starr.

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Le bouche-à-bouche des partisans est toléré dans la région de l'oreille interne, comme dirait Jean Perron, mais pas celui des professionnels de la communication sur la glace publique (sauf s'ils sont payés par le Club de hockey Canadien et les taxes fédérales des contribuables).

Ce qui se passe dans le vestiaire se doit de rester dans le vestiaire. Bref, une douleur critique au niveau de l'embargo, infligée par le distributeur TVA Films, nous empêche de vous tendre d'un bras meurtri (par un vaccin) le flambeau de notre commotion cérébrale.

Le long métrage sur les 100 ans de sollicitude de la sainte Flanelle, une présentation de La Cage aux Sports (pas de farce), prendra d'assaut les écrans grands de la Belle Province le 4 décembre. Toute critique est interdite jusque-là. Les journalistes qui ont vu le film hier ont promis, à l'instar de Jacques Lemaire, de se fermer la «trappe».

Sans compter dans mon filet, j'oserai dire que dans mon livre à moi, Pour toujours les Canadiens, promo de 1 h 30 déguisée en film, manque cruellement de synchronisme, tel un Larry Robinson en fin de carrière ratant son tir frappé de la ligne bleue. La machine grince de partout et les passes de bâton à bâton sont rares, comme dirait Jacques Martin.

Le film de Sylvain Archambault, scénarisé par Jacques Savoie et mettant en vedette Dhanaé Audet-Beaulieu (tous de l'équipe gagnante des Lavigueur) est à l'image du club de transfuges assemblé cette année par Bob Gainey autour d'un gardien-étoile pas fiable: tout dans le potentiel de l'attaque à cinq, rien dans l'exécution autour du filet.

L'échauffement du générique était pourtant prometteur, comme Éric Chouinard au repêchage de 1998. Des images d'archives d'Aurèle Joliat, Georges Vézina, Howie Morenz, Jacques Plante, Maurice Richard, Jean Béliveau, Guy Lafleur, Patrick Roy, Andreï Kovalenko... Une distribution de grand talent, un sujet en or, un commanditaire qui fournit les ailes de poulet.

C'est dans la fiction et les sous-intrigues que les choses se sont gâtées, comme la carrière de José Théodore après le Hart. Parti en Lyle Odelein contre les Black Hawks de Chicago le 19 décembre 1991 avec toutes les promesses d'un John Chabot, Pour toujours les Canadiens se termine les quatre fers en l'air, tel Oleg Petrov à son retour de Suisse.

L'histoire des Glorieux y est traitée en filigrane, à travers un documentaire que prépare Benoît (Christian Bégin) pour le centenaire du Canadien. Son fils William (Dhanaé Audet-Beaulieu) est un joueur de concession égocentrique du Collège français. Sa blonde, Michelle (Céline Bonnier), est infirmière à Sainte-Justine, où est hospitalisé le jeune Daniel (Antoine L'Écuyer), grand fan du Canadien comme son médecin, le Dr Hébert (Denis Bernard). Jean Béliveau incarne Jean Béliveau, intéressé par les pratiques matinales d'un club de hockey collégial à Longueuil (?!), Jean Lapointe chauffe la Zamboni du Centre Bell en prodiguant des conseils de vie (les enfants uniques sont forcément des mangeux de puck), et le petit Saku Corriveau a trois répliques en simili-français. Je n'en dis pas plus.

La plupart des joueurs actifs entrevus dans le film relèvent aujourd'hui de nouveaux défis dans des villes folles de hockey comme Nashville ou Tampa Bay, ce qui est pour le moins étrange. Aucune trace des nouveaux venus Jaroslav «Sissy» Spacek ou Travis «Robinetterie» Moen, pas plus que de vieilles légendes comme André «Red Light» Racicot ou Benoît «B.B.» Brunet, qui figure pourtant, dans un livre du Canadien récemment paru, parmi les cent joueurs qui ont le plus marqué la fabuleuse histoire du Tricolore.

Cette histoire, justement, est ici raboutée dans des dialogues lourdement et douloureusement plaqués (Mike Komisarek fait de la figuration, comme à Toronto) de type le CH pour les nuls. «La Révolution tranquille, c'est là que ça a commencé», dit Benoît (Christian Bégin, verre de vino à la main) à son assistante-réalisatrice, à propos de l'émeute du Forum. Ah bon?

Toutes les intrigues sont aussi prévisibles que la Coupe de 1977. On ne vous vendra pas le punch aux fruits cinq fois son coût en épicerie, comme la bière du Centre du Téléphone, mais dans ce film de fiction invraisemblable, sous les ordres de Guy Carbonneau, le Canadien termine sa saison 2008-2009 de manière autrement plus convaincante que dans la dure réalité de la nouvelle LNH. Disons que c'est arrangé avec le gars des vues. Et malheureusement, pas toujours pour le mieux (le bonjour à Claude).